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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Activité professionnelle et séparation : sortons le porte-monnaie !


Lettre du jeudi 19 octobre 2017 - Source: Couple et Famille



Les enjeux économiques de la séparation
En médiation familiale, l’évocation de la conciliation entre l’activité professionnelle et la vie familiale nourrit fréquemment les discussions. Comme nous le développons dans cette Gazette, l’équilibre s’avère parfois fragile et peut générer du conflit jusqu’à remettre en question le fondement du couple. Les valeurs et les priorités sont chamboulées. En séance de médiation, il est important d’aborder tous les paramètres et de se projeter dans l’avenir pour construire un équilibre nouveau sécurisant pour les enfants et pour les adultes. Les parties ne peuvent donc faire l’impasse d’une réflexion sur leurs choix personnels en fonction de leurs plans de carrière, de leurs besoins, de ceux de leurs enfants en prenant en compte l’équilibre financier.

Dédoublement des charges
Car ce n’est pas un scoop, la séparation appauvrit quel que soit le milieu dont nous sommes issus. Les frais courants (loyers, nourriture, entretien, etc.) sont dédoublés et la précarité peut alors guetter, notamment lorsqu’on connait le coût de la vie, comme le prix des loyers en vigueur aujourd’hui. L’inquiétude générée par les incertitudes financières du lendemain est grande. S’il existe des aides sociales, il est souvent difficile pour les parents de les solliciter pour des questions de valeurs.

Le travail en médiation se fait au travers d’un budget individualisé réaliste pour chaque enfant et pour chaque parent. Depuis le 1er janvier dernier est entré en vigueur le second volet de la révision du Code Civil Suisse sur l’entretien de l’enfant en cas de séparation ou de divorce. Certaines modifications touchant au plan financier méritent que l’on s’y arrête. Pour rappel, le premier volet de la réforme traitait en 2014 de la notion d’autorité parentale et du partage automatique de celle-ci en cas de séparation. Dans cette deuxième partie, le législateur a voulu renforcer et protéger l’enfant dans sa prise en charge financière. Indiquons, toutefois, que si la loi est entrée en vigueur en début d’année, le recul n’est pas suffisant pour connaître l’application de tous les articles. Il faudra sans doute encore des mois pour découvrir toutes les mesures d’applications.

Calcul des budgets
Parmi les nouveautés, il faut mentionner que les enfants issus de parents mariés et ceux nés hors mariage (27% à Genève) sont désormais sur pied d’égalité sur les questions financières. En effet, c’est sur la base du budget des parties que seront calculées les éventuelles contributions. Et à défaut d’un budget qui couvre tous les besoins usuels de l’enfant et de chaque parent, le calcul s’établira sur le principe du minimum vital (= besoins vitaux régis par la loi comme le loyer, un forfait nourriture et entretien, les assurances, les impôts, la contribution d’une précédente union et les transports publics), excluant toute dé- pense superflue. Ce calcul peut être «élargi » (= premiers besoins après les dépenses de base) s’il reste un solde positif dans le budget des parents. Un objectif est d’uniformiser la méthode de calcul de la contribution au niveau national. Ainsi les pourcentages ou autres tabelles strictes ne semblent plus admis par les tribunaux. De plus, la fortune acquise durant le mariage est un élément à mentionner dans une procédure de divorce.

La loi apporte une distinction entre la contribution pour l’enfant et la contribution «convenable» (art. 286a CCS) pour celui-ci. Concrètement, si les parents ne parviennent pas à assurer les besoins usuels de l’enfant, l’écart entre ce qui devrait être versé et ce qui est réellement versé pourrait être retenu pour une contribution ultérieure en cas d’amélioration du revenu du parent débiteur. Autre élément, une contribution de prise en charge de l’enfant par le parent gardien apparaît également (art. 285 al.2 CCS) en cas de renoncement, de cessation ou de diminution d’une activité professionnelle du parent gardien à la naissance de l’enfant. Le parent pourrait donc demander une compensation du temps passé avec les enfants au détriment d’un revenu. Sur ce point, la manière de calculer cette somme n’est pas encore suffisamment claire pour la développer ici.

Dans son application, la priorité de contribution revient à l’enfant mineur (art. 276a CCS), puis viennent ensuite une éventuelle contribution pour l’ex-conjoint et enfin celle pour l’enfant majeur. Cela signifie qu’à 18 ans, la contribution qui devrait être versée au jeune adulte en cas d’études suivies peut « tomber » si des enfants mineurs en ont besoin. En médiation, il paraît important d’anticiper cette étape pour ne pas mettre en difficulté non seulement les parents, mais aussi et surtout les jeunes adultes dans leur relation. Enfin, les contributions doivent être individualisées. Cela signifie que chaque enfant doit avoir son propre budget et son propre calcul de sa contribution en fonction de ses besoins et de son âge. Le législateur inscrit ainsi des modifications protégeant théoriquement l’enfant mais dont l’application reste à être confirmée pour certains points.

Répartition du temps auprès des enfants
Parler d’activité professionnelle, c’est aborder les facteurs économiques, mais pas seulement. Lorsque la question de la séparation des parents se pose, d’une part il convient de sortir la calculatrice et d’autre part la gestion de l’organisation est refaçonnée: on pense ainsi au partage des tâches quotidiennes, à la répartition du temps passé pour ces activités personnelles ou l’organisation de l’encadrement des enfants. En réduisant son taux d’activité à la naissance, il y a donc un avantage non négligeable pour la qualité du lien avec son enfant. Mais au moment de la séparation, la famille se retrouve dans un tumulte organisationnel. Que le système de garde soit d’une semaine sur deux ou d’un droit de visite minimum, tout le planning familial doit être reconsidéré. S’ajoute à cela la possible fragilisation de la situation économique de tous les membres de la famille.

On l’aura compris, une décision peut avoir des conséquences déterminantes, mais aussi être source d’un stress majeur se ré- percutant sur sa santé et son bien-être. Durant le processus, le médiateur est là pour soutenir les parents dans leurs accords et les accompagner pour que ces décisions soient raisonnables, équitables et valables au regard de la loi. Ceci dans un but économique et de crédibilité des parties au moment de déposer une convention devant la justice.

Valeurs humaines avant tout
Alors que faire? Il n’est pas possible de dire ici ce qu’il serait bon de faire ou non, mais le bon sens, l’esprit de conciliation, l’anticipation et la raison doivent l’emporter sur le flot d’émotions telles que la colère ou la frustration lorsque l’évocation de la séparation apparaît. La protection financière des enfants et de l’ex-conjoint que l’on a choisi pour fonder une famille devrait prédominer et toutes les options mises sur la table: retour progressif en activité professionnelle pour l’un, participation aux frais du ménage par les jeunes adultes en activité pour l’autre, réduction des dépenses, etc.

La société dans laquelle nous vivons actuellement nous impose un fonctionnement fondé en grande partie sur des modèles économiques. Si la médiation peut offrir un espace où les valeurs personnelles et le dialogue peuvent exister, alors sans doute que les solutions les plus adaptées et les moins dommageables pourront émerger. Le thème de cette Gazette nous rappelle que la famille est un «boulot en soi » à ne pas négliger.

Pierre-Alain Corajod, médiateur familial


Livre de la semaine


  • Histoires de vie professionnelle. Réfléchir, agir, construire


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