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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Pour apprendre, il faut dormir


Lettre du jeudi 30 mars 2017 - Source: Echo Magazine



Le cerveau est actif pendant le sommeil, en particulier pour mémoriser les données reçues. Au point que des chercheurs proposent d’instaurer des micro-siestes à l’école. Quand vous tombez dans les bras de Morphée, votre cerveau ne s’éteint pas pour autant. Non seulement il contrôle de nombreuses fonctions physiologiques comme la respiration ou les battements du coeur, mais il déploie également une intense activité qui contribue à la consolidation des apprentissages et des souvenirs. Dormez et demain vous serez plus performant! Vous aurez mieux récupéré, ce qui vous dotera de meilleures capacités d’attention et de concentration, mais en plus votre cerveau aura mis la nuit à profit pour s’imprégner des informations ingurgitées au cours des heures précédentes.

Une lenteur bienvenue
Chez l’adulte, on sait que le sommeil lent, stade du sommeil caractérisé par la production d’ondes lentes dans le cerveau, joue un rôle important dans ce processus. Il est bien connu par ailleurs que le sommeil des enfants est proportionnellement plus riche en ondes lentes que celui de l’adulte. Or, les enfants ont des capacités d’apprentissage très supérieures aux nôtres. Il suffit de songer à leur plus grande facilité à assimiler une langue étrangère. Mais si un lien entre leurs performances dans la consolidation des apprentissages et le sommeil lent a aussi été établi, leur activité cérébrale n’avait pas été mesurée.

Que se passe-t-il dans le cerveau des enfants quand ils dorment? A l’Université libre de Bruxelles (ULB), Charline Urbain et le professeur Philippe Peigneux ont voulu élucider cette question. Lors d’une première expérience, une vingtaine d’enfants sans problème développementaux, garçons et filles âgés de 8 à 11 ans, se sont vu proposer un apprentissage au cours duquel des images d’objets familiers (une pomme, le soleil,…) et d’objets n’ayant aucun sens pour eux (des «non-objets») leur étaient projetées sur un écran.

Arrêter la pluie
A trois reprises, leur activité cérébrale a été enregistrée par magnéto-encéphalographie (MEG), technique offrant une précision de l’ordre du millième de seconde. La première fois au début de l’expérience, quand objets réels et objets imaginaires leur étaient simplement montrés. Une deuxième fois au terme d’une phase d’apprentissage qui consistait à retenir une association entre chaque non-objet et la fonction imaginaire que les expérimentateurs lui avaient conférée. Par exemple, arrêter la pluie sur commande ou ouvrir toutes les portes. «Lorsque nous avons comparé l’activité cérébrale des enfants face aux images de non-objets avant et après l’apprentissage, nous avons observé, dans le second cas, une augmentation sensible de l’activation de l’hippocampe, structure cérébrale bien connue pour jouer un rôle clé dans le stockage temporaire des informations verbales de ce type», rapporte Charline Urbain.

Avant la troisième mesure de l’activité cérébrale, les enfants ont été di visés en deux groupes: le premier convié à une sieste de nonante minutes deux heures après l’apprentissage; l’autre qui devait rester au calme, par exemple faire du coloriage. «A notre grande surprise, tous les enfants du groupe ‘sieste’ trouvèrent très rapidement le sommeil», indique Charline Urbain. Mais là n’était pas l’essentiel. Alors qu’à la vue des non-objets, c’était à nouveau l’hippocampe qui s’activait chez les enfants qui s’étaient contentés de rester au calme, il n’en était pas de même chez ceux qui avaient dormi. Chez eux, en effet, c’était une région spécifique du cortex préfrontal qui était sollicitée.

Stockage à long terme
«Or, explique Philippe Peigneux, de nombreuses études chez l’adulte et chez l’animal ont montré que cette région était cruciale pour l’ancrage et la consolidation à long terme de l’information et des souvenirs. Néanmoins, lors d’expériences entreprises chez l’adulte, le phénomène de transfert d’activité de l’hippocampe vers le cortex préfrontal n’était pas encore présent deux jours après un apprentissage. Nous ne l’avions perçu qu’en testant à nouveau les sujets trois mois plus tard.»

Que faut-il en déduire? Que les enfants consolident plus rapidement de l’information que nous. Et sans doute bénéficient-ils de la plus grande richesse de leur sommeil en ondes lentes: «Dans notre expérience récente, publiée en août par la revue américaine NeuroIinage, on observait que plus la proportion de sommeil lent avait été importante au cours de la sieste des enfants, plus l’activité de l’hippocampe se réduisait et plus celle du cortex préfrontal augmentait», commente Charline Urbain.

Des micro-siestes à l’école?
Bien souvent, les enfants et les adolescents répugnent à aller dormir tôt et utilisent mille stratagèmes afin de pouvoir continuer à regarder la télé ou à jouer avec leur Playstation. Une expérience comme celle menée par les chercheurs de l’ULB souligne l’intérêt d’une prise de conscience de l’importance du sommeil pour le bon fonctionnement de la mémoire de jeunes en plein développement, plongés dans une situation d’apprentissage intense.

Déjà une simple sieste permet une assimilation plus rapide. «L’école pourrait même préconiser la pratique de micro-siestes post-apprentissage, surtout pour les enfants qui, plus que d’autres, ont besoin d’un moment de récupération pour continuer à bien apprendre», estime le professeur Peigneux. L’avantage pourrait être double: améliorer la consolidation des notions apprises et redonner à l’enfant un surplus d’énergie qui revigorerait ses capacités d’attention pour les apprentissages suivants.

Enfants troublés
Les chercheurs de l’Université libre de Bruxelles projettent d’explorer le sommeil des enfants souffrant de troubles de l’apprentissage tels que la dysphasie ou l’autisme. Ainsi, les enfants épileptiques perdent des informations pendant leur sommeil plutôt que de les consolider. «Une meilleure connaissance de leur sommeil devrait permettre de l’améliorer et, par là même, de bonifier leurs apprentissages», espère Charline Urbain, cheville ouvrière de ce projet.

Philippe Lambert


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