Menu

Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Être heureux ou avoir raison ?

no image

Lettre du mercredi 10 décembre 2014 - Source: Interview d'Yvon DALLAIRE, psychologue, formateur, auteur. Extrait de la Gazette de Couple et Famille



Au jeune homme qui, il y a 2000 ans, était allé le trouver pour lui poser cette question : « toi le grand sage de l’Antiquité, toi qui connais tout sur tous les grands philosophes, dis-moi, devrais-je me marier ou rester célibataire ? », Aristote, après un moment de réflexion, répondit : « peu importe, tu le regretteras ! » Autrement dit, si vous êtes en couple, profitez-en et si vous êtes célibataire, profitez-en, vous ne savez pas combien de temps cela durera. Arrêtez de courir en avant pour trouver le bonheur. Le bonheur est ici et maintenant. Profiter de ce que j’ai, profiter de ce que je suis, ce sont, je dirais, les deux mamelles du bonheur.

Magnifique introduction pour parler des couples heureux! Pourtant, si la « recette » paraît simple, l’application semble l’être moins ! Par rapport au couple, il y a beaucoup de préjugés, d’illusions, de fausses croyances telles que « si je trouve mon âme sœur et que nous communiquons bien, avec tout l’amour que nous avons l’un pour l’autre, nous devrions régler tous nos problèmes et être heureux pour le reste de notre vie ». La réalité est autre. La majorité des problèmes de couple sont insolubles et on se rend compte que le couple est un véritable creuset pour générer des crises pour nous confronter à nous-même et nous permettre de nous élever en amour.

Malheureusement, pour une grande majorité des couples – environ 80% d’entre eux – c’est l’inverse qui se produit : 50% des couples divorcent, 30% se résignent et finissent par s’endurer pendant des décennies. Seuls 20% sont heureux à long terme ! Cela ne veut pas dire qu’ils le sont tout le temps ! Ils se disputent aussi, ils ont des conflits insolubles et chaque fois qu’ils réussissent à passer à travers un moment difficile, ils renforcent leur relation.

Que se passe-t-il alors dans ces couples qui ne parviennent pas à être heureux ?

Ils suivent le schéma « séduction, fusion, compétition, séparation » et ils recommencent : « séduction, fusion, compétition, séparation »… A la différence des couples malheureux, les couples heureux suivent le processus « séduction, fusion, compétition, chacun s’affirme et reste ouvert à l’autre, donc parvient à partager le pouvoir ».

Qu’entendez-vous par « partager le pouvoir » ?

Dans mon bureau, j’ai un outil que j’utilise beaucoup : c’est un damier sur lequel, d’un côté j’ai mis les pièces d’un jeu d’échec et de l’autre celles d’un jeu de dames. C’est ça un couple ! Quand je rencontre quelqu’un qui veut jouer avec moi, je suis sûr qu’il/elle va jouer selon mes règles du jeu. Donc, si je suis le spécialiste du jeu de dames, je suis certain que l’autre connaît le règlement du jeu de dames ; or, l’autre joue aux échecs et est persuadé(e) que moi, je vais jouer aux échecs avec lui/elle. Dans la lune de miel, on place nos pièces, on est heureux, on est bien, jusqu’au moment où un des deux avance une pièce et l’autre rétorque « ah non, ce n’est pas comme ça qu’on éduque les enfants, qu’on dépense l’argent, qu’on a des relations avec les belles-familles, etc… » Et là, chacun va essayer d’imposer à l’autre ses règles du jeu. Cette lutte pour le pouvoir consécutive à la lune de miel – qui dure deux à trois ans tout au plus -, peut être très saine si elle permet à chacun de s’affirmer sans s’imposer à l’autre et que chacun des deux reste ouvert et disposé à apprendre les règles du jeu de l’autre.

Les couples malheureux sont ceux qui ne parviennent pas dépasser cette lutte pour le pouvoir ?

Oui, ils cherchent à avoir raison sur des problèmes insolubles : l’éducation des enfants, l’argent, les relations avec les belles-familles, le partage des tâches ménagères, la séparation entre le travail et la vie privée et, bien sûr, la sexualité. Prenons un exemple. Madame se sent insécure sur le plan financier alors que Monsieur, lui, n’est pas anxieux à ce niveau-là. S’ils s’obstinent à savoir lequel des deux à raison, tôt ou tard, c’est évident ils vont se confronter. Par contre, ils peuvent apprendre à gérer un budget qui tiendra compte à la fois du sentiment d’insécurité de Madame et du sentiment de sécurité de Monsieur et lorsque celui-ci est en place, ils peuvent s’arrêter de parler d’argent. Les couples malheureux, eux, remettent sans arrêt le sujet de l’argent entre eux et se disputent indéfiniment pour savoir qui a raison et qui a tort. En vain puisque c’est insoluble !… suite



Comments are closed.

Back to Top ↑