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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

L’argent met l’amour sur la paille


Lettre du mercredi 6 avril 2016 - Source: Echo Magazine



Il est un vrai panier percé, elle veille avec prudence sur son bas de laine: ils s’aiment, mais peuvent-ils vivre ensemble? Aucun couple n’échappe à l’argent, avertissent les experts. Qui gagne plus, qui paie quoi, qui décide des dépenses? L’argent est un puissant révélateur de la place de chacun dans le couple, écrit le pédiatre et spécialiste des relations familiales Aldo Naouri dans son dernier livre, Les couples et leur argent (Odile Jacob, 243 pages). Même si Juliette puise tant qu’elle veut dans le compte commun, si celui-ci n’est qu’au nom de Roméo, elle se sentira infantilisée. Sans mettre forcément des mots sur ses sentiments: car en amour, l’argent est aussi incontournable que tabou. La question passionne tant les psychologues que les sociologues.

Après la lune de miel
«Dans notre société, on perçoit l’argent comme porteur d’égoïsme et de calcul, ce qui est incompatible avec les valeurs de la sphère privée, affirme Caroline Henchoz, maître d’enseignement et de recherche au Département des sciences sociales de l’Université de Fribourg. Les intérêts personnels ne sont jamais évoqués, car cela casse le côté romantique du couple.» Mais lune de miel ou pas, un système financier se met automatiquement en place. Les spécialistes conseillent d’aborder la question le plus tôt possible pour éviter frustrations et non-dits.

En Suisse, dans neuf cas sur dix, la femme gagne moins que son conjoint, souvent parce qu’elle réduit son temps de travail après la naissance des enfants. Pour la paix du ménage, mieux vaut discuter clairement des conséquences de ce déséquilibre: «Si Monsieur s’achète un VTT, Madame a-t-elle droit au même montant pour ses dépenses personnelles?», demande Caroline Henchoz. Et quand le gros salaire est investi dans l’achat d’une maison alors que le petit sert aux dépenses courantes, que se passe-t-il en cas de séparation? Si le couple n’est pas marié ou s’il a choisi de s’unir sous le régime de la séparation des biens, Madame pourrait se retrouver sans rien.

Privé de dessert
Mais pas besoin d’envisager le pire pour que l’argent joue les trouble-fête dans la relation amoureuse. Même dans un couple stable, il est l’une des premières sources de disputes, juste après l’éducation des enfants. Et pour cause: la relation au porte-monnaie est héritée des parents, tout comme la décision de priver le petit de dessert quand il n’a pas terminé son assiette. Que les amoureux agissent par imitation ou en réaction contre leurs parents, la part d’émotionnel est grande. Juliette a besoin de remplir son bas de laine pour se sentir en sécurité en cas de coup dur, Roméo verrait bien une piscine dans le jardin car l’argent, nom d’une pipe, c’est fait pour vivre ici et maintenant.

«Chacun tente de convaincre l’autre de se déraciner de son histoire et de le rejoindre dans la sienne», écrit Aldo Naouri. Comme il est très difficile de de faire évoluer les sentiments de l’autre ou d’en changer soi-même, le psychologue et sexologue québécois Yvon Dallaire recommande une solution terre à terre aux couples qui ne s’entendent pas: «Mieux vaut gérer – et non résoudre – le conflit en faisant un budget. L’idéal est d’avoir trois comptes en banque: un pour chacun et un pour le couple».

Les cordons de la bourse
Le sexologue imagine un revenu total de 100’000 francs, un conjoint gagnant 60’000 francs, l’autre 40’000. Que le couple définisse d’abord ce qu’ils paient ensemble (logement, nourriture, éducation des enfants, vacances, etc.). En admettant que le budget annuel s’élève à 50’000 francs, Yvon Dallaire propose que chacun alimente le compte commun au prorata de son salaire: 60% l’un, 40% l’autre. Quant à savoir qui tient les cordons de la bourse, ce peut être celui qui a les meilleures connaissances en gestion financière, celui qui se sent le moins en sécurité, pour que le ménage soit sûr de ne pas dépasser le budget, ou chacun à tour de rôle.

Le gestionnaire informe régulièrement son conjoint de la situation financière et le couple fait le bilan à la fin de l’année. Cela évite le flou, les craintes et les discussions passionnelles, estime le psychologue. Et si l’un des deux renonce à travailler pour s’occuper des enfants, le budget annuel lui octroiera une somme d’argent pour ses dépenses personnelles. Pas très romantique: mais le pragmatisme n’empêche pas de prévoir dans le budget un poste pour les soupers aux chandelles.

Si elle gagne davantage
Depuis que les femmes travaillent, les hommes sont un peu perdus, estime Aldo Naouri. N’étant plus les uniques pourvoyeurs d’argent du foyer, ils auraient de la peine à trouver leur place. Car les femmes, elles, gagnent désormais leur vie sans pour autant cesser d’enfanter. Et les hommes ont perdu, avec leur caractère indispensable, leur pouvoir au sein de la famille.

Pour les femmes, la situation n’est pas forcément plus simple quand elles gagnent plus que leur conjoint. Ce qui est le cas de 52% des cadres supérieurs européennes, selon une étude du Professional Women’s Network. «D’un côté, la femme est fière de son succès professionnel, heureuse de son indépendance, explique Ulrike Lehmann, une des responsables de l’enquête. Mais de l’autre, devenir le premier salaire du couple est perçu comme une responsabilité lourde parce qu’elle a été élevée dans l’idée qu’un jour un homme s’occuperait d’elle.»

Christine Mo Costabella


Livre de la semaine


  • GÉNIAL, J’Y ARRIVE ENFIN!


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