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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Elever des enfants

Les ados souhaitent des parents plus sévères


Lettre du mercredi 26 mars 2014 - Source: Extrait de Echo Magazine



Écoles et parents en mal d’autorité, le diagnostic est souvent posé, mais que veut-il dire? Les réponses d’un pédopsychiatre au long cours qui travaille dans le cadre scolaire et en dehors. Les ados, le Dr Hughes Desombre les rencontre sans cesse. Ce pédopsychiatre français travaille depuis 1997 aux Hospices civils de Lyon. Il enseigne aussi à l’Université et forme des infirmières scolaires actives auprès des adolescents.

Quels problèmes observez-vous chez les enfants et les jeunes?

Hughes Desombre: – Le principal problème, dans une perspective développementale, c’est que les enfants ont moins de contraintes. Ce qui nuit à leur bon développement psychoaffectif. Le fait de n’avoir que des droits et aucun devoir, aucune frustration, d’être dans le plaisir immédiat risque de se révéler compliqué pour eux puisque leurs pulsions ne vont pas du tout être contrôlées.

Comment cela se manifeste-t-il?

– Depuis dix ou quinze ans, on reçoit en consultation beaucoup plus d’enfants et d’adolescents souffrant de troubles du comportement parce qu’ils n’ont jamais été confrontés à un interdit. Une consultation sur deux relève désormais de ces difficultés comportementales. Et nos cabinets ne désemplissent pas.

Vous évoquez volontiers les véritables détresses de parents en panne d’autorité…

– La grande difficulté des parents, c’est leur grande peur, celle de ne plus être aimés. Selon la formule de mon confrère Daniel Marcelli, ils sont passés de l’éducation à la «séducation». Eduquer conduit à ne pas être toujours aimé… immédiatement. Par ailleurs, les troubles du comportement des enfants sont de plus en plus fréquents et se manifestent – ou sont déclarés par les adultes, parents comme enseignants – de plus en plus tôt, dès la maternelle. Mais il est vrai aussi que l’évolution de notre société conduit à mettre un peu, souvent trop, de «psy» partout. On oublie le simple bon sens éducatif.

Vous parlez volontiers d’une autorité qui éduque: comment comprendre cette phrase?

-C’est l’autorité qui fait grandir. En fait, l’autorité est trop souvent confondue avec l’autoritarisme, comme je m’en rends compte avec les parents que je reçois en consultation. L’autorité ne conduit pas à une soumission sanctionnée par des punitions. Elle doit amener l’enfant à être acteur et à faire des choix en tenant compte de ce qui lui est permis. Pour moi, affirmer son autorité, c’est autoriser. En regard, bien sûr, de quelques interdits. En pratique, c’est difficile, pour les adultes comme pour les enfants.

Plus généralement, notre société serait-elle en manque d’autorité?

-Manque d’autorité oui, mais au sens de manque d’exemplarité. Comment donner des règles d’autorité si d’autres règles ne sont pas respectées? Là, en tant qu’adultes, nous avons une sacrée responsabilité. Pour que des enfants reconnaissent l’autorité – et pour ne pas être dans l’autoritarisme pour l’imposer -, il faut que la personne qui s’en réclame suive elle-même des règles en lien avec l’autorité, qu’elle respecte son propre cadre de règles. Et cela quel que soit le cadre social, de la plus petite cellule familiale à celui de l’établissement scolaire, d’une ville, etc.

Que faire pour être un «bon parent»?

-Il me semble que tous les parents sont bons au sens où ils aiment leur enfant. Mais quelquefois, ils n’ont pas le mode d’emploi pour quelques petites choses. C’est alors à nous, professionnels, de les accompagner. Et de leur apprendre que savoir dire non, c’est aimer leur enfant. Certains ont de fait peur de ne pas être de bons parents. Et comme je l’ai dit, de ne pas être aimés. Face à ces craintes, qui peuvent être en lien avec des fragilités personnelles, ils vont adopter des réponses éducatives qui évitent de contraindre l’enfant.

Vous avez des conseils pratiques?

– Parmi les incontournables, le premier est la confiance: quoiqu’il arrive, savoir déceler chez chaque enfant ses points forts et les renforcer positivement pour lui permettre d’avoir confiance en lui. L’estime de soi se construit chaque jour par les images renvoyées comme un miroir par la famille et les enseignants, notamment. Souvent, les parents ne pointent chez leur enfant que le négatif, sans pointer aussi le positif. Une critique bienveillante sera acceptée sans problème… ou plus facilement.

Notre société a-t-elle perdu le sens de la loi?

-Effectivement. La loi, qui est finalement un cadre, est intégrée moins précocement qu’avant. Pour respecter une loi, il faut l’avoir faite sienne en comprenant que sa liberté est de la suivre ou non. Dès lors, permettre à l’enfant d’être libre, ce n’est pas l’autoriser à faire ce qu’il veut, mais lui apprendre à être libre de choisir, ce qui amène à l’autonomie la plus noble. Quant à l’école, elle ne peut tout faire, On lui donne, je pense, trop de missions. Ce sont les parents qui ont, et doivent garder, la responsabilité première.

Les enfants et les jeunes que vous recevez en consultation, que vous disent-ils, eux, de l’autorité ?

-Ils la vivent souvent comme une contrainte. Comme la perçoivent leurs parents, en somme. Pourtant, lorsqu’on fait des enquêtes anonymes au lycée, la plupart des adolescents disent souhaiter que leurs parents soient plus sévères, sachent dire oui ou non pour leur donner un cadre plus clair. Sachant qu’un cadre, c’est un espace de liberté. Une dernière suggestion à l’adresse des parents : faites preuve d’humour. Ce qui signifie en fait dédramatiser, prendre un peu de distance en ne régissant jamais dans l’immédiateté, sous l’emprise de la colère, de la déception… Et ne jamais, jamais, couper le lien. Toujours laisser une porte ouverte.



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