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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Ma maman de jour est un papa


Lettre du mercredi 24 février 2016 - Source: Echo Magazine



En Suisse romande, une douzaine d’hommes exercent la profession de papa de jour. Dont Sébastien Monnet à Nendaz, en Valais. Rencontre à l’heure de la sieste des petits. Une petite musique douce envahit les pièces d’un appartement où traînent épars des legos rouges et jaunes, des assiettes de dînette ou encore un tricycle miniature. Sébastien Monnet, grand gaillard au sourire tranquille, est en train de coucher les quatre enfants âgés d’un à trois ans dont il a la garde ce vendredi après-midi. Le trentenaire valaisan adore les gosses et depuis deux ans, il est un des rares hommes à exercer le métier de papa de jour. «On dit ‘accueillant de jour en milieu familial’!», corrige Catherine Gedda-Meier, responsable de la formation au sein des crèches à domicile dans le canton du Jura. Un changement de nom qui correspond à une professionnalisation de cette activité (voir dernier paragraphe). En tout, les pères qui gardent quotidiennement quelques enfants en plus des leurs sont cinq en Valais, trois dans le canton du Jura, un dans celui de Neuchâtel, deux en terre vaudoise et inexistants dans les cantons de Fribourg et Genève.

«Elle gagnait plus que moi»
Ancien vendeur de télévisions, jeux vidéo et autres gadgets électroniques, Sébastien Monnet a franchi le pas naturellement et pour des raisons pragmatiques. Lorsque Sonia, sa compagne, est tombée enceinte pour la première fois, le couple a sorti la calculette: «Elle gagnait plus que moi et son salaire suffisait pour vivre. J’ai donc démissionné pour m’occuper de ma fille», raconte-t-il dans la cuisine, en ajustant ses fines lunettes. Deux petites chaises de bébé attendent l’heure du goûter près de la grande table en bois. Sur une étagère, blettes, biberons et bavettes prennent la pose dans un joyeux désordre.

Le jeune père y a tant pris goût que lorsque la question d’un deuxième revenu s’est posée, plutôt que de mettre bébé à la crèche, il a suivi une formation pour garder, en plus de sa fille Gwenaëlle, les bambins des villages alentour. «Je voulais passer le plus de temps possible avec elle. Etre papa de jour me permet de joindre l’utile à l’agréable.» Pour Sébastien, ce métier est « un cadeau». «C’est de la magie, les enfants: ils ne jugent pas, vivent le moment présent et sont rarement désobéissants.» Il s’interrompt soudain et regarde l’heure. Il est temps d’aller réveiller «les petits monstres». En montant à l’étage, il montre l’endroit où il va construire une piste de bob pour cet hiver. Peu importe les activités, l’accueillant aime laisser beaucoup de liberté aux enfants «pour qu’ils apprennent à être autonomes et à avoir confiance en eux».

Les doutes de sa maman
Le choix de Sébastien n’a pas étonné ses proches. «Mais ma mère continue de douter qu’un homme puisse gérer autant d’enfants», rigole-t-il. Ses amis, eux, «ont complètement halluciné». S’il assume parfaitement ses choix, il redoute les regards soupçonneux et les remarques pernicieuses de ceux qui voient en chaque homme affectueux un éventuel pédophile. Pourtant, pour pouvoir exercer ce travail, il faut avoir un casier judiciaire vierge. Il fait malgré tout attention à ses gestes, se montre plus «pote» avec les garçons, plus câlin avec les filles. Quand il parle des enfants, un mot revient souvent: le respect. «Ce sont de petites personnes qu’on doit aimer et respecter.»

Kyra, Evan, Alexander et Gwenaëlle sont à présent habillés et plus ou moins réveillés. A table, les marmots avalent goulûment les morceaux de banane, de mandarine ou de biscuits. Parfois, il faut se conformer aux demandes des parents. «Pas de chocolat pour Alexander!», rappelle Sébastien en déposant quelques raisins secs dans la menotte du chérubin d’un an. Une fois le tout englouti, place au jeu. Les bambins brandissent un à un les ustensiles de dînette, demandant chaque fois ce que c’est. Trois tasses, deux assiettes, une théière et des citrons sont ainsi nommés plusieurs fois de suite. Pas trop répétitif? Très patient et amusé, Sébastien rétorque: «Et le travail à l’usine, il n’est pas répétitif?».

Les anciens modèles
Visiblement très à l’aise avec les quatre gamins, le jeune papa prouve qu’un homme peut s’en occuper aussi bien qu’une femme et juge les anciens modèles familiaux dépassés. D’ailleurs, il encourage les pères à faire de même en cas de petit budget: «C’est une bonne alternative au chômage». Seul inconvénient de ce travail à domicile: un certain isolement social. Mais pour le moment, le couple n’envisage pas de changer son mode de fonctionnement. Avec la nuit qui tombe débarquent les parents qui récupèrent leur progéniture, s’enquérant des repas pris et de l’obéissance de leurs chéris. Christine, maman du petit Alexander, est très satisfaite. «Je cherchais une maman de jour et on m’a parlé d’un papa. Je me suis dit: ‘Pourquoi pas? Dans le village, les gens en parlent en bien. Les enfants s’amusent beaucoup avec lui’», s’enthousiasme la jeune femme blonde. Cette activité devenue vocation, Sébastien compte en faire sa profession une fois ses deux enfants à l’école. Pour continuer à accompagner les petits sur le chemin de leur vie.

Rares, mais appréciés
Même si les pères sont rares, ils sont très appréciés, tant par les parents que par les organisations. Dans des familles monoparentales, ils peuvent être le référent masculin, analyse une responsable vaudoise. La profession d’accueillant(e) en milieu familial a connu un boom au début des années 2000 avec la mise en place d’un soutien fédéral à la création de crèches, à domicile ou dans des locaux, se remémore Michèle Maccaud, responsable de la fédération valaisanne d’accueil de jour. L’activité s’est professionnalisée depuis même si la formation diffère d’un canton à l’autre. Elle comprend en principe des cours obligatoires prolongés par une formation continue.

Sébastien a ainsi étudié la gestion de conflit, de l’attachement ou encore les droits des enfants. Le nombre d’enfants et le temps de garde varient quotidiennement, influençant un salaire pas mirobolant. A 6 francs de l’heure par enfant, avec un supplément de 5 francs par enfant pour les repas, Sébastien gagne environ 1000 francs par mois: «C’est du beurre sur les épinards», résume-t-il.

Catherine Cattin


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  • Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire


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