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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Parents au bord de la crise de nerfs


Lettre du mercredi 15 mars 2017 - Source: Echo Magazine



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Autrefois réservé au monde du travail, le burn-out frappe aussi les parents. Et pas seulement quand l’enfant est malade. Les parents les plus motivés sont les plus menacés. C’est dans les années 1980 que les premiers auteurs ont suggéré l’existence d’une forme de hum-ouf qui ciblerait les parents. Jusqu’en 2011, cependant, on a cru qu’il sévissait uniquement dans des familles éreintées par la prise en charge d’un enfant handicapé ou souffrant d’une maladie chronique. En 2015, Moira Mikolajczak et Isabelle Roskam, psychologues à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, ont mis en évidence que chaque père, chaque mère peut être la proie d’un burn-out parental et que ce dernier, à l’instar de son homologue professionnel, comporte trois composantes. D’une part, l’épuisement physique et émotionnel ; d’autre part, la perte d’efficacité et d’épanouissement, professionnel pour l’un, parental pour l’autre.

Dans l’univers du travail, l’individu en burn-out fait preuve d’une distanciation émotionnelle allant jusqu’à la dépersonnalisation des bénéficiaires de ses prestations (clients, patients,…). C’est la troisième facette du problème. « Par exemple, un médecin ou un infirmier en burn-out pourra parler du cancer de la chambre 312 comme si le malade était un numéro», explique Isabelle Roskam, auteure avec Moira Mikolajczak de Burn-out parental. L’éviter et s’en sortir, paru en janvier chez Odile Jacob.

Le service minimum
En général, dans l’univers parental, la troisième composante du burn-out, à savoir la distanciation affective d’avec les enfants, n’atteint pas ce paroxysme, car les parents, malgré leur épuisement et leur mal-être, restent attachés à la chair de leur chair. Sauf dans des cas extrêmes, qui peuvent déraper dans l’aversion et même la maltraitance. «Trop fatigué, le parent n’a plus l’énergie de s’investir dans la relation, ou en tout cas plus autant que d’ordinaire», peut-on lire dans l’essai des deux psychologues. «Il prête moins d’attention à ce que ses enfants lui racontent ou les écoute d’une oreille distraite, il n’accorde plus (autant) d’importance à ce qu’ils vivent et ressentent, il ne s’implique plus (autant) dans leur éducation, il n’arrive plus (autant) à montrer à ses enfants combien il les aime. Il fait ce qu’il doit faire — les conduire à l’école, leur préparer à manger, les laver, les coucher —, mais pas plus.»

Sans laisser d’adresse
Une différence majeure entre burn-out professionnel et burn-out parental est que l’individu dispose d’une porte de sortie au travail, pas dans la famille. On peut changer de métier, ou ne peut pas se débarrasser d’un enfant. «Presque 80% des parents qui consultent pour un burn-out parental nous confient qu’il leur est déjà arrivé de penser à s’enfuir sans laisser d’adresse ou à se suicider, relate Isabelle Roskam. C’est à leurs yeux le seul moyen qui leur reste pour récupérer de leur épuisement et oublier le problème qui les mine. Mais ils ne passent pas à l’acte.» Les deux chercheuses estiment la prévalence du burn-out parental à 5%; elles considèrent également que vu les facteurs de risque auxquels ils sont exposés, un autre 8% des parents sont en danger.

Dans le burn-out professionnel, ce sont généralement les éléments les plus utiles à leur employeur qui finissent par «exploser en plein vol»: les perfectionnistes, les individus ayant une tendance à se surinvestir professionnellement… Dans le burn-out parental, on retrouve des ingrédients analogues: des parents perfectionnistes très impliqués dans leur rôle de père ou de mère et porteurs d’un idéal de parentalité très fort.

Les racines du mal
Isabelle Roskam et Moira Mikolajczak se sont intéressées aux facteurs sociaux qui pourraient favoriser le burn-out parental: avoir peu ou beaucoup d’enfants, disposer ou non de revenus permettant de faire appel à une baby-sitter, être doté d’un niveau d’éducation plus ou moins élevé, etc. «Ces facteurs n’expliquent presque rien, au même titre que le fait d’avoir un enfant handicapé, adopté ou souffrant d’une maladie chronique», précise Isabelle Roskam. Beaucoup plus essentielles sont les caractéristiques personnelles. «Les mères et les pères qui ne parviennent pas à reconnaître les émotions qu’ils éprouvent, à les comprendre, à les exprimer et à en réguler l’intensité risquent de trouver la parentalité harassante ! Il en va de même lorsque les parents ne parviennent pas à identifier les émotions de leurs enfants et donc à y répondre adéquatement.» Un autre facteur de risque découle, pour chaque parent, des relations insatisfaisantes qu’il aurait entretenues avec ses propres parents.

De même, le risque de burn-out s’avère d’autant plus élevé quand l’écart est grand entre l’image d’un parent idéal qu’une mère ou un père s’est forgée et l’image qu’il ou elle croit donner. «Il apparait en outre, commente Isabelle Roskam, que le risque de burn-out augmente lorsque le parent manifeste une volonté de contrôler l’enfant en recourant à des pratiques éducatives coercitives. Dans ce cas, en effet, dès que l’enfant fait un pas de côté, les parents se sentent remis en question, car ils ont l’impression de ne pas être respectés. Ce qui constitue une source de stress considérable.» Et les facteurs conjugaux? Importants ! La perception du conjoint comme étant ou non une source de soutien serait d’ailleurs un élément hautement prédictif du risque de burn-out parental.

Le poids de la société
Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak tiennent à souligner à quel point des phénomènes de société ont pu favoriser l’éclosion du burn-out parental. «On demande aux parents d’accomplir de plus en plus de choses (offrir telle nourriture, tels loisirs, telle assistance scolaire) à leurs enfants alors qu’ils disposent de beaucoup moins de temps qu’il y a vingt ou trente ans, explique Isabelle Roskam. Certains s’évertuent à respecter à la lettre ces injonctions venues des médias, des associations, de leur entourage, etc. Leur vie devient un enfer parce que leurs ressources ne leur permettent plus de faire face à toute cette pression.»

Philippe Lambert


Livre de la semaine


  • Le burn-out parental


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