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Parents poules : les couver sans les étouffer


Lettre du mercredi 27 mai 2015 - Source: Echo Magazine



Il était une fois une petite fille appelée Raiponce, enlevée par une sorcière qui l’éleva comme son enfant, enfermée au sommet d’une haute tour n’ayant ni escalier ni porte, juste une petite fenêtre. Un jour, un prince entendit la jeune fille chanter et tomba sous le charme de sa voix. Lorsqu’il parvint enfin à entrer dans la tour, Raiponce fut effrayée par l’apparition de cet inconnu. Puis, rassurée et confiante en l’amour du jeune homme, elle décida de partir avec lui…

La sorcière qui sommeille
Écrit au début du 19e siècle par les frères Grimm, ce conte a connu plusieurs adaptations au cinéma et à la télévision. Est-ce un hasard? Celle de Disney, sortie en 2010, met l’accent sur l’attitude surprotectrice de la mère, les sentiments d’amour mêlés de culpabilité éprouvés par la jeune fille retenue prisonnière et son désir d’indépendance. Une sorcière sommeille-rait-elle en chaque mère poule qui enfermerait bien son enfant pour le protéger du monde sombre et sauvage?

Plus récemment, le film documentaire Sur le chemin de l’école (2013), en donnant à suivre le parcours, parfois à haut risque, de plusieurs enfants, seuls et à pied, en Afrique, en Inde ou en Amérique du Sud, a fait s’interroger de nombreux parents occidentaux sur leur propre comportement. «Suis-je trop mère poule?», se demandait ainsi Véronique, maman de jumeaux de 10 ans qu’elle accompagnait chaque matin à la porte de leur école, située à 5 minutes de chez eux.

L’expression «mère poule» daterait du Moyen Âge. A cette époque, on attribuait un animal à chaque trait du caractère humain. La poule désignait une mère possessive. Quant au mot «papa poule», il est apparu dans les années 1980 pour désigner un père accomplissant sa part des tâches parentales (changer les couches, etc.), voire les assurant à 100%, quand il assume en solo l’éducation de son enfant. Père et mère poules se rejoignent désormais dans un éventail commun d’attitudes protectrices, voire surprotectrices en cas de dérive.

Est-il bon d’être un parent poule? Certains adultes se reprochent de l’être, d’autres ont du mal à admettre qu’ils le sont, d’autres encore restent dans le déni. Pourtant, la plupart des professionnels encouragent plutôt les parents à l’être quand les enfants sont jeunes. «La mère poule laisse partir ses poussins quand ils en sont capables», rappelle le pédopsychiatre Olivier Revol. Ce principe s’applique aussi aux humains, la théorie de l’attachement s’appuyant sur le modèle animal.

«Dans une relation de confiance avec son petit, la maman doit être prévisible, disponible et cohérente. Ainsi le jeune enfant peut se confronter à l’extérieur. Il s’éloigne puis revient à ses parents. Selon le principe de la marche en étoile, il part de plus en plus loin et sait qu’il retrouvera sa mère au même endroit du point de vue physique et psychique.» Avoir une mère (ou un père) poule est donc nécessaire au début de la vie parce que cela donne une sécurité de base et permet d’acquérir progressivement son autonomie.

Surtout pour les adultes
Protéger ses enfants est même un devoir des parents. Certains ne les protègent pas assez… D’autres au contraire peuvent dériver vers la surprotection, Selon Olivier Revol, beaucoup de parents sont maladroits dans leur façon d’accompagner leur progéniture. «Je reçois des parents inquiets, préoccupés de façon excessive. Ils croient bien faire en voulant surprotéger leur enfant alors qu’en fait ils ne lui rendent pas service et ne facilitent pas son envol. L’enfant ne s’autorise pas à partir. Ainsi, un jeune enfant qui souffre d’une angoisse de séparation à la crèche ou au coucher rappelle-t-il plusieurs fois ses parents parce qu’il ne les sent pas assez sereins. En réalité, la séparation est inquiétante surtout pour les adultes!» La surprotection peut aussi freiner l’enfant dans ses apprentissages. Refuser de grandir est une façon de répondre à l’inquiétude parentale.

A l’adolescence de leurs enfants, certains parents deviennent parfois ce qu’on appelle des «parents hélicoptères». «Le père ou la mère ne laisse pas partir son enfant ou le laisse s’éloigner tout en étant prêt à intervenir. L’ado a alors l’illusion d’être autonome, mais il reste sous le regard du parent à distance qui l’éclaire de son faisceau de lumière, à portée de portable. Et le jeune compte sur lui à la moindre difficulté parce qu’il n’a jamais appris à gérer l’échec», déplore Olivier Revol.

Attention aux voitures!
Dans notre société, les parents ont du mal à accepter les risques. «Fais bien attention aux voitures»; «Ne parle pas à des inconnus»… «Le dire une fois, ça va. Mais inutile de le lui répéter tous les jours avec une pointe d’anxiété dans la voix», conseille le pédopsychiatre Daniel Bailly. «Les limites n’ont de sens que si elles répondent à un besoin de l’enfant, et qu’elles ne sont pas posées uniquement pour rassurer l’adulte», insiste-t-il. Cela étant, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise attitude. «Beaucoup d’enfants font évoluer leurs parents. Ils profitent de cette surprotection, puis vient le moment où ils la mettent à l’épreuve pour desserrer l’étau.»

Le pédopsychiatre Charles-Edouard Rengade, auteur d’un livre sur l’estime des parents (voir encadré), se veut rassurant envers les mères poules. «La surprotection est un faux problème. La mère est-elle heureuse d’être poule? L’important est qu’elle se sente en accord avec elle-même, cohérente dans son rôle. Sa manière de couver sera nuancée par sa personnalité, celle de son poussin et la relation tissée avec lui.» Si besoin, le père ou, à défaut, un tiers, pourra rétablir l’équilibre. Enfin, il faut faire confiance aux ressources de l’enfant. Comme le remarque Charles-Edouard Rengade, «ce n’est pas à la sorcière surprotectrice de faire partir Raiponce, c’est à la jeune fille de couper le cordon, en un mot de s’autonomiser».

Extrait de Echo Magazine, France Lebreton/La Croix


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