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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

6 juin 2019: Les Assises des Familles


Lettre du mercredi 29 mai 2019 - Source: Avenir Famille



Programme de la journée

Les modes de garde après la séparation /divorce
Les prochaines Assises des familles, qui se tiendront à l’Université de Genève, le 6 juin prochain, aborderont de manière approfondie la thématique de la garde parentale après la séparation/divorce des parents. Dans la matinée, après l’introduction de M. Thierry Apothéloz, Conseiller d’Etat, le professeur Nicolas Favez de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation parlera des modes de garde par rapport aux besoins de l’enfant, puis la professeure Michelle Cottier de la Faculté de droit traitera des évolutions juridiques récentes en matière de garde. En troisième lieu, l’Observatoire des familles(1) présentera la recherche menée sur la garde partagée en lien avec le profil social des parents, les relations familiales et le vécu des parents séparés dans le contexte genevois. L’après-midi laissera une large place aux discussions des acteurs de terrain au sein des ateliers.

Quelques réflexions sur les modes de garde après la séparation/divorce
Avec un taux de divorce qui s’élève aujourd’hui à Genève à 48 % et en Suisse à 39 % en 2017, la prise en charge des enfants après la séparation et le divorce et leur impact sur les relations familiales est un sujet des plus actuels aujourd’hui en Suisse, et à Genève.

Mode de garde peu fréquent mais en augmentation en Europe et en Occident.
Le mode de garde qui fait sans nul le doute le plus parlé de lui, non seulement dans les médias, mais aussi dans la recherche scientifique, est la garde partagée ou la résidence alternée. Celle-ci a été, en effet, depuis cette dernière décennie un objet de débat controversé, générant des prises de positions contrastées.

Selon les chiffres de plusieurs études, la garde partagée ou résidence alternée est un mode de garde qui augmente de manière marquée dans les pays européens et occidentaux. Néanmoins et malgré son augmentation rapide, elle reste – statistiquement parlant – relativement minoritaire parmi les parents divorcés, particulièrement dans sa forme la plus égalitaire (50/50) (pas plus de 35% des parents divorcés optent pour ce mode de garde). Ceci dit, ces statistiques sont à prendre avec précaution car la définition de la « garde partagée » varie selon les études, certains qualifient de garde partagée à partir de 30/70 alors que d’autres se réfèrent à 50/50. Par ailleurs, pour la plupart, ces chiffres se basent le plus souvent sur des décisions de justice, ils sont donc partiels ne tenant pas compte des arrangements à l’amiable entre les parents.

Garde alternée, et « nouveaux pères », reflet de l’évolution de la société vers des normes plus égalitaires.
Dans les médias et dans la recherche, la garde alternée est souvent perçue comme un mode de garde « idéal » qui reflète l’évolution de la société moderne vers des normes plus égalitaires entre les femmes et les hommes au sein de la famille. Le développement de la garde partagée s’associe aussi à l’émergence des nouveaux « pères », qui proposent une nouvelle définition du rôle de père. Ceux-ci remettent en question la répartition genrée, traditionnelle, des tâches de soins et de l’éducation auprès de l’enfant. Cette nouvelle définition du rôle du père ne cantonne plus les pères au rôle traditionnel de « gagne-pain » mais leur donne un rôle plus actif au sein même de la famille, notamment dans les tâches de soins et l’éducation de leurs enfants. La garde partagée repose, donc, le principe de l’égalité, chacun des parents investissant son temps, ses ressources dans l’éducation et les soins de son enfant, et cela de manière égale, tout en étant séparé ou divorcé. Ce mode de garde semble être le mode de garde idéal, aussi bien pour les parents qui participent de manière égale à la vie et à l’éducation de leurs enfants, mais aussi pour l’enfant qui peut développer une relation de qualité aussi bien avec sa mère qu’avec son père. Par ailleurs, ce type de garde est souvent perçu comme une solution au désinvestissement de certains pères divorcés, souvent souligné dans les cas de garde exclusive des mères.

Garde partagée, sujet de débat dans la littérature scientifique
Dans la littérature scientifique psycho-sociologique, la garde partagée et son impact sur le bien-être physique et psychique de l’enfant ont été largement débattus et restent encore un sujet controversé aussi bien en Europe qu’en Australie ou aux Etats-Unis. Selon les études, les résultats diffèrent et amènent à des conclusions contrastées.

Pour certains cliniciens – pédopsychiatres ou psychologues – la garde alternée est synonyme de perturbations pour les jeunes enfants, notamment de moins de 6 ans, ne supportant pas le ballotage d’une résidence à l’autre. Certains pédopsychiatres recommandent que l’enfant reste avec la mère, au moins jusqu’à 6 ans (Berger, Ciconne, Guedeney, Rottman, 2004(2)). Ceci dit – comme ça leur a été reproché – leurs conclusions se basent uniquement sur des cas cliniques, c’est-à-dire sur des enfants qui vont mal et qui fréquentent leur cabinet (Poussin, 2015(3)). Pour contrer ce biais, de nombreux chercheurs ont lancé des enquêtes quantitatives auprès d’enfants de parents divorcés. Ils se sont intéressés aux effets de la garde partagée sur le bien-être et le développement psychologique des enfants.

En comparant le bien-être des enfants de parents divorcés selon plusieurs types de garde, globalement, ils relèvent, en moyenne, les impacts positifs de la garde partagée sur un grand nombre d’indicateurs du bien-être et du développement psychologique des enfants comme l’anxiété, l’estime de soi, les résultats scolaires, etc. mais aussi sur la qualité des relations entre les enfants et leurs parents, notamment le père (Nielsen, 2012(4)). En effet, certaines de ces études montrent que la garde partagée permet aux pères de développer de meilleures relations avec leurs enfants que la garde exclusive de la mère.

Bien que ces résultats de ces diverses études soient, en moyenne, positifs en faveur de la garde partagée, certains chercheurs relèvent néanmoins que ces études ne peuvent pas exclure totalement un biais de sélection. Ces études montrent, en effet, que, globalement, ce sont des parents qui ont un bon niveau d’éducation, un bon revenu et, surtout, ce sont des pères qui ont toujours été impliqués dans la relation à l’enfant et l’éducation, et cela bien avant le divorce. Autrement dit, les effets positifs de la garde partagée non seulement sur le bien-être de l’enfant ou sur la qualité des relations de l’enfant à ses parents ne peuvent pas être totalement attribués à la garde partagée. Ils peuvent être dus, en partie, aux caractéristiques socio-économiques des parents et au fonctionnement plus égalitaire du couple avant le divorce. Par exemple, la meilleure qualité de la relation entre le père et son enfant peut s’expliquer par l’investissement du père, avant le divorce, dans sa relation avec l’enfant et par la continuité du lien plutôt que par un simple effet de la garde partagée. Ce biais de sélection montre, par ailleurs, que la garde partagée est plus fréquente parmi les milieux privilégiés qui ont, à la fois, les ressources financières pour mettre en place ce type de garde qui est relativement coûteux – il faut pouvoir payer deux logements si possibles à proximité – et qui valorisent davantage des modèles de fonctionnements conjugaux plus égalitaires que dans les milieux populaires.

Les contraintes structurelles, un facteur oublié.
La plupart des études internationales portant sur les modes de gardes sont menées par des psychologues et se focalisent prioritairement sur les effets de différents modes de garde sur le développement psychologique et le bien-être des enfants. Peu d’entre elles prennent en compte le contexte social dans lequel sont insérés les parents divorcés et les contraintes structurelles auxquelles ils doivent faire face. Pourtant, ce contexte est important, particulièrement en Suisse. Dans son idéal d’égalité, la garde alternée implique que les deux parents partagent de manière égale les tâches de soins et d’éducation à l’enfant et qu’ils contribuent financièrement à part égale à la vie de leur enfant. Cependant, en Suisse, les femmes et les hommes ne sont pas insérés de manière égalitaire sur le marché du travail.

Selon l’Office fédéral de la statistique, en 2018, 60 % des femmes actives travaillent à temps partiel contre 2 % des hommes (ESPA 2019). La plupart d’entre elles sont des mères qui ont réduit leur temps de travail pour se consacrer aux tâches domestiques et aux soins aux enfants. Ce sont, en effet, elles qui se chargent de la plus grande partie des tâches domestiques et de soins aux enfants. Par conséquent, lorsqu’elles divorcent, celles-ci peinent à se réinsérer pleinement sur le marché du travail et s’assurer un revenu décent, et cela d’autant plus dans les milieux populaires. Dans de telles conditions, la mise en place d’une garde partagée semble à priori compromise. De même, pour les hommes, réduire son temps de travail pour s’occuper de ses enfants reste, selon les milieux, difficile, tant le modèle professionnel dominant masculin en Suisse demeure le 100 %. Sans arrangements préalables, la garde partagée semble aussi difficile à mettre en place pour les hommes. Dans un tel contexte d’inégalité, la mise en place d’un mode de garde est loin d’être simple pour la plupart des couples suisses qui divorcent et leurs proches.

(1)https://www.unige.ch/sciences-societe/socio/fr/recherche/observatoire-des-familles/
(2)https://www.cairn.info/revue-devenir-2004-3-page-213.htm
(3)https://www.cairn.info/publications-de-Gérard-Poussin–38908.htm
(4)Nielsen, L. (2012). Father-Daughter relationships: Contemporary Research and Studies. Routledge

Myriam Girardin et Marie-Eve Zufferey, Observatoire des familles, le 29 mai 2019


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