Deux tiers des grossesses sont désormais considérées «à risque»
Lettre du mercredi 11 septembre 2024 - Source: Tribune de Genève
Cette semaine nous reproduisons un article publié par Aurélie Toninato le 09.09.24 dans la Tribune de Genève “Deux tiers des grossesses sont désormais considérées «à risque»”.
“Près de 70% des femmes enceintes sont concernées par un ou plusieurs facteurs impliquant des risques de complication. L’âge, la procréation médicalement assistée et le surpoids en font partie.
Près de 70% des femmes enceintes à Genève sont concernées par un ou plusieurs facteurs impliquant des risques de complication durant leur grossesse ou leur accouchement. Soit deux tiers des grossesses. C’est le constat des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
La proportion est plutôt anxiogène, mais cette classification dite «à haut risque» n’équivaut pas systématiquement à une complication, tempère la professeure Begoña Martinez de Tejada, médecin-cheffe du Service d’obstétrique des HUG.
«Cela signifie que des facteurs de risque existent et qu’il faut un suivi spécifique pour éviter les complications ou du moins diminuer leur sévérité.»
Toujours plus âgées
Mais comment expliquer qu’autant de femmes enceintes soient classées «à haut risque»? La réponse est à chercher du côté de l’élargissement des facteurs de risque. L’âge se place en haut du podium: dès 35 ans, la femme entre dans la catégorie à risque. On parle même de «grossesse gériatrique»…
«La proportion des grossesses à plus de 35 ans est passée de 11% à 35% entre 1970 et 2022, un tiers des femmes enceintes ont donc plus de 35 ans», répond Begoña Martinez de Tejada. Et un nombre grandissant de femmes ont un enfant à 40 ans, voire au-delà. Or, c’est un fait, l’âge augmente la probabilité d’apparition de complications, souligne la professeure: «Les fausses couches, les anomalies chromosomiques, les troubles hypertensifs ou le diabète, les accouchements prématurés…»
À cela s’ajoute une plus grande probabilité d’infertilité – le nombre et la qualité des ovocytes diminuent considérablement avec l’âge – donc de recours à la procréation médicalement assistée (PMA). Selon l’Office fédéral de la statistique, en 2022 en Suisse, 6609 femmes étaient au bénéfice d’une assistance médicale pour tenter de concevoir un enfant.
La médecin-cheffe relève que la PMA comporte son lot de risques, dont des problèmes dans l’implantation du placenta, grossesses multiples qui impliquent plus souvent des complications pendant la grossesse ou l’accouchement, entre autres.
Surpoids et césariennes
Sur le podium des facteurs de risque, on trouve également le surpoids. En Suisse, 43% de la population adulte est en surpoids ou obèse et 12% est concernée par l’obésité. Or, le surpoids est associé à l’apparition de maladies cardiovasculaires, de diabète, de certaines formes de cancers. «Pour la femme enceinte, cela peut entraîner des complications liées à l’hypertension artérielle – prématurité, retard de croissance -, au diabète, ainsi que plus de risque de césarienne.»
La spécialiste complète le podium avec la consommation de drogue, d’alcool ou de tabac: «Ce dernier, en particulier, est un facteur important de complications, retards de croissance, mort in utero.»
Les antécédents obstétricaux, comme la césarienne, pèsent aussi dans la balance des risques. En Suisse, un tiers des naissances se font par césarienne, et elles sont plus fréquentes en Suisse alémanique, selon l’Observatoire de la santé. Begoña Martinez de Tejada rappelle que cette intervention n’est jamais anodine et qu’elle augmente certains risques, notamment d’implantation anormale du placenta, d’accouchements prématurés et d’hémorragies post-partum, lors d’une future grossesse.
«Il faut une indication médicale pour ce choix. Or, il y a aujourd’hui une tendance générale nette à l’exagération dans son utilisation, en Suisse également.» La responsable souligne qu’aux HUG la proportion d’accouchements par césarienne est passée de 30% à 23%, «l’un des taux les plus bas dans les hôpitaux suisses», mais elle regrette que les incitatifs favorisent une tendance contraire.
Facteurs psychosociaux
«Du point de vue économique, un hôpital est perdant à diminuer les césariennes, car l’accouchement par voie basse lui demande plus de ressources et l’acte chirurgical est mieux rémunéré.»
Enfin, les facteurs psychosociaux peuvent jouer un rôle, note Begoña Martinez de Tejada: «Environ 10% des femmes enceintes suivies aux HUG présentent une vulnérabilité psychosociale, entre dépression, précarité financière, statut de sans-papiers. Cette population consulte généralement plus tardivement.»
La spécialiste rappelle encore que la classification «à risque» signifie une vigilance accrue et un accompagnement plus personnalisé, «mais avec un suivi médical adapté et attentif, la grossesse et l’accouchement se déroulent généralement très bien!»”
Adresses utiles :
– CENTRE PERINATAL – Bien naître, bien grandir ;
– LA MATERNITE – Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ;
– ASSOCIATION ARCADE SAGES-FEMMES – Sages-femmes à domicile .
Livre de la semaine
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