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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

La réforme du cycle d’orientation genevois enjeu des votations cantonales du 15 mai


Lettre du mercredi 11 mai 2022 - Source:



Dimanche 15 mai 2022, les genevois sont appelés à voter sur la réforme du Cycle d’Orientation. Cette semaine nous reproduisions un article de Sylvia Revello paru dans le Temps le 19 avril 2022. Vous trouverez également en lien l’émission “Grand débat” de la RTS et d’autres sources de références pour vous aider à voir plus clair.

A Genève, les autorités veulent réformer une énième fois le cycle d’orientation dès la rentrée 2023 dans l’espoir d’aider les élèves les plus faibles, grands perdants du système actuel. Attaqué par un référendum du PLR, de l’UDC et des vert’libéraux, le projet baptisé CO22 propose d’introduire une forme de mixité en mélangeant les élèves en 9e et 10e dans certaines branches, puis en définissant deux voies en dernière année. Jugée bâclée et périlleuse par la droite, la réforme portée par la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta sera soumise à la population le 15 mai prochain. Quels sont les enjeux de cette votation qui divise le corps enseignant, mêle combats politiques et visions idéologiques divergentes sur l’école?

Un constat d’échec
Introduit en 2011 par le précédent magistrat, Charles Beer, le cycle actuel, destiné aux élèves de 12 à 15 ans, ne remplit pas ses promesses d’intégration et d’orientation. Tous les partis, à l’exception de l’UDC, s’accordent sur le fait que le système en vigueur, basé sur trois regroupements au travers desquels les élèves sont censés pouvoir circuler, doit être revu. Dans les faits, les passerelles ont plutôt servi aux transferts vers le bas. Le regroupement le plus faible s’est vidé (4% des effectifs en 2020 contre 12% en 2011), se transformant peu à peu en ghetto. Conséquence, seulement 2,4% de ces élèves atteignent les objectifs fondamentaux contre 22% dans le regroupement moyen et 84% dans la section la plus exigeante.

A cela s’ajoute un problème d’orientation: trop d’élèves choisissent par défaut la voie gymnasiale mais ne parviennent pas à s’y maintenir. «La situation est grave, de plus en plus de jeunes sont en décrochage et risquent de tomber, un jour ou l’autre, dans l’aide sociale», déplore Emmanuel Deonna, député socialiste pour qui une vraie égalité des chances, «rôle premier de l’école», passe par la mixité et, à travers elle, l’émulation. A droite, on estime au contraire que la réforme va péjorer le sort des élèves les plus faibles. «Au lieu de questionner les raisons de leur échec et de penser une approche pédagogique radicalement nouvelle, on leur propose le même cadre d’apprentissage par discipline en espérant qu’ils réussiront miraculeusement au contact des plus doués», déplore le député PLR Pierre Nicollier.

Le concept de mixité intégrée
Si elle promeut l’hétérogénéité, la réforme, qui s’inspire des systèmes en vigueur à Neuchâtel, en Valais et dans le Jura, introduit toutefois des distinctions au sein d’une même classe. Les élèves seront regroupés indépendamment de leur niveau mais feront face à un programme et à des exigences différenciées dans certaines matières: allemand et maths en 9e année auxquels s’ajoutent le français et l’anglais en 10e année. Ce n’est qu’en 11e et dernière année que des filières séparées apparaissent. L’une menant à la maturité gymnasiale ou professionnelle, l’autre, dite «certificat», orientée vers les CFC.

Enfin, la réforme prévoit également un parcours accéléré pour une poignée d’élèves très en avance qui pourront effectuer leur parcours en deux ans au lieu de trois, selon certaines conditions. Un non-sens pour la droite qui dénonce un système hybride entre hétérogénéité assumée et ségrégation qui ne satisfait finalement personne. Alors que les référendaires craignent un nivellement général du niveau vers le bas, Anne Emery-Torracinta maintient au contraire que le brassage d’élèves stimulera les plus fragiles, sans prétériter ceux qui ont plus de facilités. C’est aussi l’avis de certains chercheurs.

«La réaction de la droite à la mixité est épidermique», campe Emmanuel Deonna, pour qui c’est au contraire la ségrégation qui provoque un nivellement par le bas. «Aujourd’hui, les élèves qui atterrissent dans le dernier groupe se rendent bien compte que plus personne ne croit en eux, ils se dévalorisent et entrent dans une spirale de l’échec», argumente-t-il, soulignant que faire appel à la responsabilité individuelle ne suffit pas. «Sans stimulation, sans livre à la maison, sans parents polyglottes, un élève avec de telles difficultés est démuni.»

Pour Pierre Nicollier, il faut renoncer à l’idée que tous les élèves puissent atteindre le même niveau. «Ils ont tous des capacités, mais pas forcément dans les domaines évalués par notre système scolaire, justifie-t-il. Or, le Plan d’études romand (PER), sur lequel s’aligne la réforme, veut faire en sorte que tous les élèves rentrent dans le cadre.» A ses yeux, une autre approche est possible, en travaillant sur des projets individuels, avec des enseignants au profil d’éducateurs, quitte à adapter les exigences du PER pour ces élèves. «Oui cela coûterait de l’argent, mais éviter la rupture d’un jeune représente une économie pour toute la société», argumente l’élu. Pour Emmanuel Deonna, la droite, qui n’a rien proposé durant les discussions, arrive trop tard. «Il est par ailleurs piquant que le PLR revendique un accompagnement individualisé mais combatte systématiquement les augmentations de moyens au DIP.»

Retarder l’orientation
Depuis sa création, le cycle a fait l’objet de multiples réorganisations pour parvenir à sa mission d’orientation. Plutôt que des regroupements définis d’emblée, la réforme veut introduire un «passage en douceur» entre l’école primaire et le cycle puis le secondaire II pour donner leur chance à un maximum d’élèves de trouver leur voie. «Le cycle est un moment charnière où il existe encore de la mixité sociale, c’est là où les élèves peuvent acquérir des compétences scolaires mais aussi émotionnelles et comportementales, l’envie d’apprendre», estime Emmanuel Deonna. La droite ne voit là qu’une manière de déplacer le problème. «C’est de la poudre aux yeux, lâche Pierre Nicollier. Qu’on le veuille ou non, les élèves seront catégorisés dès la 9e année, mais sans qu’on valorise les débouchés autres que la voie gymnasiale», déplore-t-il.

Le défi d’un enseignement différencié
Jongler entre les différents niveaux au sein d’une même classe est l’une des préoccupations principales des enseignants, qui craignent une charge de travail accrue et des difficultés de concentration pour les élèves. Depuis un mois, des séances d’information sont organisées pour leur présenter la réforme dans les détails. Une démarche jugée prématurée par la droite. Du côté syndical, la Fédération des associations des maître·sse·s du cycle d’orientation (Famco) a refusé de prendre position dans la campagne, compte tenu des divisions en son sein. «Certains collègues estiment que la mixité sera facile à gérer et bénéfique pour les élèves, d’autres pensent exactement l’inverse», évoque David Fernex, membre du bureau, qui précise néanmoins que les enseignants ont été associés aux discussions dès les prémices du projet en 2019.

Parmi les enjeux cruciaux: la question des effectifs, qui sont fixés à 18 en 9e année. En 10e, lorsque les niveaux seront séparés, le nombre d’élèves pourra varier. «L’une de nos revendications est de maintenir les effectifs à 18 en classe complète», détaille David Fernex. Craint-il, comme la droite, que les élèves en échec soient encore plus perdus avec des classes plus nombreuses qu’aujourd’hui (12 élèves en moyenne)? «Le taux d’encadrement n’est pas à l’origine des difficultés actuelles de ces jeunes, le problème c’est qu’ils se tirent vers le bas et n’ont plus d’objectif», estime-t-il. A ses yeux, le grand défi pour les profs va être de maintenir une dynamique de classe malgré des séparations dans certaines branches. Pour le PLR Pierre Nicollier, la différenciation pédagogique, sur des périodes de 45 minutes, n’est «pas réaliste» et va péjorer la qualité de l’enseignement pour tous.

Un coût difficile à évaluer
Combien coûtera la réforme? Après l’avoir chiffrée à 5 millions de francs, le Département de l’instruction publique estime qu’elle nécessitera la création de 40 à 50 postes, 32 postes pouvant être économisés grâce aux parcours accélérés. «Peut-être que la réforme coûtera plus cher, mais si, après le parlement, le peuple l’approuve lui aussi, il faudra bien la mettre en œuvre», avance Emmanuel Deonna. Pour Pierre Nicollier, le coût est sous-évalué. Pire, l’argent est mal investi. «On parle ici d’implanter un système dogmatique qui n’existe nulle part ailleurs, sans test préalable», dénonce-t-il, soulignant que le référendum n’est pas un hasard. «Le DIP ne cesse de vouloir imposer, à marche forcée, des projets venus d’en haut et peu aboutis.»

Articles :

A Genève, le cycle d’orientation joue son avenir dans les urnes, Le Temps, Sylvia Revello, le 19 avril 2022;

La réforme du cycle d’orientation genevois enjeu des votations cantonales du 15 mai, RTS;

Cycle d’orientation: pour le DIP le système doit changer, lémanbleu TV, Julie Zaugg le 3 mars 2022;

Réforme du Cycle d’orientation genevois, SER-Syndicat des enseignants romand.es.

Vidéo :

Faut-il séparer les élèves selon leur niveau à l’école ?, émission Le grand débat – RTS/ Forum / 19 min. / le 27 avril 2022.

 

 



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