Menu

Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Les livres pour contrer la solitude


Lettre du mercredi 24 août 2016 - Source: Echo Magazine



Echomag (logo complet)
L’idée est simple et fort utile: tenir compagnie par la lecture à des personnes âgées
, des malades ou des personnes handicapées. L’occasion de tisser des liens précieux et d’apporter un peu de réconfort. L’idée germe dans la tête de Barbara Bianchi un jour de 1994 à Genève au contact de son amie Rosette, 87 ans. Lorsque celle-ci doit subir une opération des yeux, elle s’inquiète pour le temps de sa convalescence: «Je vais m’ennuyer, moi qui aime échanger!». Un jour que Barbara lui rend visite, elle a une idée: «Et si on lisait un livre?». Aussitôt dit, aussitôt fait: Barbara lit à Rosette un ouvrage de son choix. «Ce fut Narcisse et Goldmund, de Hermann Hesse. Rosette, qui était une intellectuelle était très heureuse des discussions que ce livre suscitait! Malgré ses pansements sur les yeux, elle redevenait active, elle était à nouveau dans le coup.».

L’expérience marque Barbara qui sort de l’Ecole supérieure d’arts visuels de Genève après plusieurs voyages en Amérique latine pour défendre les droits humains: «Militante, j’ai découvert au Brésil le travail des théologiens de la libération auprès des paysans pauvres. En Argentine, j’ai soutenu les mères et les grands-mères de la place de Mai». Si la jeune femme veut repartir, elle sent aussi le besoin d’être utile. Pourquoi ne pas étendre l’expérience pour en faire profiter d’autres?

Un brin de chaleur humaine
Barbara se démène: bouche à oreille, téléphones, dépliants et un article dans la presse locale. Peu à peu, les gens s’adressent à elle. Lecture et compagnie naît en 1996 en tant qu’association à but non lucratif. «Nous visitons des personnes immobilisées qui souffrent de solitude suite à un accident, du fait d’un handicap d’une maladie ou de l’âge. Nous leur apportons une présence, un peu de chaleur humaine, de plaisir et de distraction par le biais d’une activité qui entretient leurs facultés intellectuelles», explique Barbara. Le choix du livre, de la revue, du journal, dans sa propre langue, est laissé à l’auditeur – «outre en français, nous avons des gens qui lisent en allemand, en suisse allemand, en italien, en espagnol et même en arabe».

«On n’essaie pas les gens»
C’est Barbara qui met en lien lecteurs et auditeurs en fonction des sensibilités et des besoins. Des lecteurs choisis avec soin: «Ils passent d’abord un test de lecture qui nous permet d’évaluer plusieurs paramètres: la maîtrise de la langue et de la lecture à haute voix, le ton et le timbre de la voix, sa capacité à tenir deux heures. Puis la personne nous dit ses centres d’intérêt pour que nous puissions l’aiguiller vers tel ou tel auditeur». Car, précise Barbara, «on n’essaie pas les gens: le lecteur ou la lectrice s’engage, en signant une convention de bénévolat, à visiter l’auditeur pendant six mois au moins. Ainsi tous deux s’installent dans la relation. Souvent des liens solides se créent et le lecteur accompagne l’auditeur jusqu’au bout. C’est un bon antidote à l’isolement».

Le lecteur se rend en EMS, en maison de convalescence, dans des foyers pour personnes handicapées, à l’hôpital, en clinique et surtout à domicile. La séance, de deux heures, coûte 50 francs, 10 francs pour ceux qui n’ont pas les moyens grâce à un fonds de solidarité; les séances collectives en institution, en accord avec le service d’animation, reviennent à 10 francs par personne. Le lecteur est défrayé pour ses déplacements et reçoit une indemnité de bénévolat de 9 francs par prestation. Pourquoi faire payer l’auditeur? «Parce que nous offrons un service, du temps et des compétences que l’argent valorise. Au début, nos prestations étant gratuites, nous trouvions souvent la porte fermée. Aujourd’hui les gens nous attendent, ils savent qu’ils bénéficieront d’un service de qualité», relève Barbara. Le lecteur vient au moins une fois par semaine, le même jour à la même heure, le matin, l’après-midi ou le soir, pendant la semaine ou le week-end.

Jeux et mots croisés
«En vivant avec elle des moments sympathiques, nous valorisons la personne. Il arrive que le lien tissé avec le lecteur allège des relations conflictuelles avec la famille. Même si notre écoute permet de relativiser les choses, nous ne sommes pas des thérapeutes!», insiste Barbara, qui compte principalement parmi ses lecteurs des personnes encore en activité et des jeunes retraités. Ils lisent, bien sûr, mais ne font pas que cela: «On fait aussi des jeux de société, des mots croisés, on se promène avec la personne, on va boire un verre, on discute. L’essentiel est d’apporter une présence qui vient briser la routine. Et ce moment est souvent très attendu!».

Le temps passant, les rencontres peuvent devenir difficiles: l’âge pèse, une maladie évolue, réduisant l’autonomie et les capacités de l’auditeur. Ainsi, les lecteurs se réunissent chaque trimestre pour partager leurs difficultés et échanger des conseils. «Cependant, excepté nos propres auditeurs, que nous accompagnons jusqu’à la fin, nous ne nous occupons pas de personnes en fin de vie.» «Avec les années, j’ai dû me doter d’un secrétariat à temps partiel, confie celle dont l’appartement est devenu le centre névralgique de l’association. Preuve que la solitude sévit toujours dans nos sociétés ultra-connectées.

Lecture et compagnie, 1, Rue Hugo de Senger, 1205 Genève. Tél. 022 321 44 56. Courriel: courrier@lectureetcompagnie.ch. Site internet: www.lectureetcompagnie.ch

Echo Magazine Geneviève de Simone-Cornet


Livre de la semaine


  • Le regard de travers : adolescence et délinquance


  • Comments are closed.

    Back to Top ↑