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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Elever des enfants

Pour leur transmettre le goût de l’effort.


Lettre du mercredi 6 mai 2015 - Source: Echo Magazine, La Croix/Marilyne Chaumont



piano

A une époque où le clic facile, le réflexe zapping et le sentiment de performance immédiate ne facilitent pas toujours le dépassement de soi, transmettre le sens de l’effort constitue un vrai défi.

«Dans mon enfance, je me rends compte que mes parents ont assez peu contraint mon désir: je commençais une activité, mais si elle ne me plaisait plus ou si ça devenait dur, je passais à autre chose», se souvient Aurélie, 30 ans, mère de deux filles. «J’ai dû tester une dizaine de sports différents sans me spécialiser dans l’un ou l’autre. Et aujourd’hui, je le regrette.» L’exercice est délicat: éduquer son enfant à l’effort vise à lui donner la force de dépasser ses envies passagères, sans l’enfermer dans un schéma de performances obligatoires. Cela paraît souvent difficile dans un contexte de «zapping» permanent et nécessite une exigence ferme vis-à-vis de l’enfant – qu’il ne faut pas confondre avec l’exigence de la seule réussite scolaire. «II est plus compliqué aujourd’hui pour les parents de poser une contrainte pour l’enfant. De lui dire: ‘Tu t’es engagé sur quelque chose, j’attends de toi que tu ailles jusqu’au bout’», souligne Olivier Duplan, directeur d’une maison d’enfants chez les Apprentis d’Auteuil et père de famille.

Quand tout est facile
«Il est important de lui rappeler que pour découvrir tout ce que l’activité peut apporter, il faut aller plus loin. Et que réussir, c’est forcément produire un effort.» Cet ancien entraîneur de l’équipe de France handisport de judo n’a cessé de le constater sur les terrains sportifs. Il a pu observer combien il était important d’apprendre à se dépasser dès l’enfance: des athlètes pour qui tout était toujours facile pouvaient vite s’écrouler en rencontrant plus tard la difficulté. Ce n’est pas le cas de Paul-Emile, 10 ans. «Apprendre le piano m’a demandé au départ de gros efforts: je me suis toujours dit que j’arrêterais», témoigne le jeune garçon, qui garde un souvenir mitigé de ses débuts et de l’exigence de sa mère. Ses parents auraient-ils eu raison d’être sévères? «Je ne sais pas, mais ils ont eu raison de me dire de continuer. Parce qu’aujourd’hui, quand je joue la Valse favorite, je suis bien.» Cet exemple si fréquent témoigne du plaisir insoupçonné que l’on goûte seulement à force de persévérance. Face au découragement, il importe aux parents de redoubler d’attention. «Je crois qu’il est essentiel de verbaliser au départ», suggère Aurélie, qui souhaite donner à ses enfants «la force de la durée». «Si ma fille commence la danse, je lui dirai: `A un moment donné, ça te demandera un peu plus de travail et d’efforts. On sera là pour t’aider, mais il faut que tu y mettes du tien’…» Ainsi, les enfants sont prévenus et les parents s’engagent avec eux.

Je veux, je clique, j’ai
L’ère de l’immédiateté, du «Je veux, je clique, j’ai» ne facilite pas cette inscription dans la durée. La quête d’un plaisir immédiat est plus naturelle chez le jeune enfant, mais se doit d’être dépassée au fil de l’éducation. Or, le monde adulte en est lui-même aujourd’hui imprégné. «Dans les années 1960-1970, on a vu l’avènement des sports fun, le plus connu d’entre eux étant le surf. Quelle était la revendication derrière? Un refus du labeur, de l’effort, ce qui n’est pas tout à fait vrai dans les faits, mais c’était l’idée», observe Isabelle Queval, philosophe et chercheur au Centre de recherche sens, éthique, société, qui s’est intéressée notamment à la notion de performance dans le sport et a publié S’accomplir ou se dépasser, essai sur le sport contemporain (Ed. Gallimard) en 2004. «Tous les sports déclinés sur la glisse voulaient s’inscrire dans une contreculture pour inventer un mode d’accès à la sensation plus rapide.» Différer le plaisir et sortir de la satisfaction immédiate s’apprend dans les petites choses. Ce peut être à l’occasion d’une balade à vélo ou de l’apprentissage du roller. «Si ma fille me dit au bout de cinq minutes: ‘J’en ai assez, j’arrête’, je lui réponds: ‘Tu t’es fait plaisir pendant cinq minutes, tu commences à avoir un peu mal aux jambes? Peut-être! Mais on va jusqu’au bout, et après tu auras encore du plaisir: il faut passer cette barrière’.»

Le culte de la réussite
Le parent pourra ensuite exprimer sa fierté. «On n’insistera jamais assez sur les compliments, poursuit Olivier Duplan. Mais s’il arrive que l’enfant soit en larmes parce qu’il n’en peut plus, il faut savoir ne pas en faire trop.» Il est primordial en ce sens de ne pas confondre l’effort et la performance. Le culte de la réussite à tout prix risquerait de déformer le sens du dépassement de soi, «Ces dernières années, la société a fait de la performance son credo, qui s’est imposé notamment dans le système scolaire», analyse la philosophe Isabelle Queval. «La pression est plus vive, on le constate avec la multiplication des cours particuliers privés, des services périscolaires, des stages sur internet… Dissocier la notion d’effort de celle de performance est d’autant plus fondamental: rappelons que l’effort permet un accomplissement et la confrontation à l’échec, alors que la performance induit forcément une sanction dans l’échec.» Cela vient questionner les modes d’évaluation à l’école, souvent réduits au «réussi ou pas réussi» dans de nombreuses matières. Hormis peut-être en éducation physique et sportive, où la prise en considération de la progression est plus tangible.

La pâtisserie pour lire
Et si l’enfant perd pied dans un domaine? Que l’effort lui semble impossible à fournir? Le stimuler ailleurs peut se révéler une issue. Un risque à prendre. «En arrivant à surprendre un jeune sur ce qu’il sait bien faire, il pourra ensuite mettre du sien sur ce qu’il n’arrive pas à faire», affirme Olivier Duplan. «Je me souviens de cet adolescent accueilli qui savait à peine lire et écrire. Il s’est nourri du plaisir qu’avait sa mère à le voir rapporter ses productions en pâtisserie pour réapprendre à lire et à écrire… Et il est aujourd’hui patron de plusieurs boulangeries.» Faire attention de ne pas forcer le temps de l’enfant, sans le laisser abandonner trop vite: lui-même témoigne souvent plus tard qu’il en est ressorti grandi.



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Vivre le lien parents-enfant : de la nécessité d’attachement au risque de dépendance
Marie Anaut

Les contextes familiaux présentent des configurations très diverses, aussi bien du point de vue de leur composition que de la spécificité des échanges relationnels et affectifs. Les liens familiaux peuvent se concevoir comme sécurisants et structurants, lorsqu’ils participent positivement à la construction psychique et à la protection des sujets. Les interrelations familiales peuvent aussi générer des modes d’échanges inadéquats ou pathogènes qui altèrent le développement des enfants et plus largement celui des différents membres de la famille.

Par ailleurs, d’une génération à l’autre se transmettent des attentes familiales, des systèmes de loyauté et des mandats (dits invisibles ou inconscients) qui règlent ce qui est à réaliser et qui accompagnent les parcours de vie des membres de la famille depuis leur naissance. Certains mandats générationnels sont stimulants et constructifs, alors que d’autres peuvent être trop lourds à porter.

Cet ouvrage revisite et interroge les principales pistes théoriques contemporaines qui contribuent à éclairer la complexité des liens parents-enfants, notamment lorsqu’ils présentent des aspects inadéquats ou pathogènes. Pour appréhender ces liens, il croise des apports théoriques complémentaires, en particulier ceux de la psychanalyse et de la théorie de l’attachement, mais également les pistes ouvertes par l’approche des processus de résilience. Tout au long de l’ouvrage, des vignettes cliniques illustrent le propos.


Livre de la semaine


  • 10 raisons d’aimer (ou pas) l’éducation populaire

  • 101 bonnes raisons de se réjouir d’être un enfant


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