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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Témoignage d’un jeune homme


Lettre du mercredi 2 novembre 2016 - Source: Echo Magazine



Loïc se découvre, à 16 ans, en difficulté de se qualifier hétéro ou homo. Sa démarche inquiète, foncièrement honnête et intelligente, force le respect.

Depuis la rentrée scolaire je dors mal, je n’arrive pas à me concentrer, je voudrais ne plus sortir de chez moi. Ma mère en a conclu que je suis en phobie scolaire. Je n’ai pas osé lui dire que ce ne sont pas les études qui me posent problème, mais les moqueries permanentes que j’ai déjà subies l’an dernier et qui reprennent: tapette, tantouse, pédé,… Il paraît que je suis maniéré et que j’ai une façon de parler particulière. Je crois que c’est vrai. De là à conclure que je suis homosexuel! C’est le regard des autres et leurs insultes qui décident de ce que je suis? Il faudrait que ce soit moi, mais je ne sais pas vous dire si je le suis ou pas et ça m’angoisse. Je suis qui?

— Tu es en tout cas un jeune homme qui se pose clairement des questions difficiles et ne triche pas: de ça tu peux être fier, et c’est indépendant du fait que tu sois hétéro ou homo. Sur quoi te baserais-tu pour te qualifier de l’un ou de l’autre?

Fondamental respect
— Je n’ai pas eu d’histoire d’amour avec une fille ou un garçon. Je suis attiré par certaines filles parce que j’aime leur manière d’être, leur sensibilité. Avec ma meilleure amie, on parle beaucoup; j’ai souvent envie de faire des gestes de tendresse à son égard, mais je me retiens parce qu’en fait je suis plus troublé par ce que je sens qu’elle voudrait de moi que par ce que je voudrais d’elle: dans la mesure où je me pose des questions sur moi, j’ai peur de lui compliquer la vie…

— Je te félicite pour le respect que tu as d’elle: respect de son corps, dont tu ne te sers pas pour en savoir plus sur toi; respect de ses émotions, de son éventuel chagrin si tu devais la décevoir. C’est un beau comportement d’homme.

— Ça me fait du bien que vous disiez ça, car je me sens tellement nul! Quand je rêvasse, c’est souvent en pensant à un élève de ma classe qui me trouble. Il est en retrait. Triste? Timide? Je le trouve touchant, beau. J’aimerais l’aider, le protéger, mais ce serait débile parce que si je m’approche de lui, ceux qui se moquent de moi vont en profiter pour se moquer de lui aussi. J’ai l’impression qu’il est comme moi, mais je ne sais pas qui je suis, alors je m’interdis de l’approcher; je n’ose pas: par manque de courage ou par respect?

Peur des moqueries
— Ton désir de ne pas l’exposer aux moqueries qui te blessent est respectable. Pourrais-tu communiquer avec lui autrement: par e-mail? En partageant un loisir? Le but serait de tirer au clair vos éventuels points communs et leur nature.

— Je veux être au clair avec moi avant. Comment faire? Sur internet, j’ai trouvé peu de choses qui m’éclairent sur l’homosexualité. Je n’ai aucune idée de ce qu’en pensent mes parents; si je leur en parle, ils vont me demander si je le suis. Il faut que je sache. Après, je verrai comment assumer.

— Tu sauras un jour et tu assumeras, j’en suis sûre; en attendant, il me semble que tu te mets trop sous pression, comme si ton intelligence devait trouver la réponse rapidement et te dire si, définitivement, tu es homo ou hétéro. Or, comme tous les êtres de la création, tu es unique et complexe, en évolution permanente, avec ta propre perception des choses et des êtres, tes élans affectifs, tes ressentis physiques: c’est cet ensemble qui fait ta personnalité en cours de construction. A ton âge, tu ne peux encore te connaître profondément: c’est par là qu’il faut commencer avant de t’enfermer dans une définition quelle qu’elle soit.

Quelqu’un de bien
— Je fais comment?

— Regarde-toi vivre et sentir, repère les moments où tu es bien et demande-toi pourquoi, observe ce qui t’entoure, cible tes attirances, imagine ta vie plus tard. Ecoute-toi comme tu écouterais ton meilleur ami, avec la même bienveillance ouverte. Cela aura l’avantage d’améliorer ta connaissance de toi et de te distraire des moqueries imbéciles. —Et j’en fais quoi? Parfois j’ai envie de frapper, de hurler. Et de fuir. De pleurer aussi.

— Effectivement, c’est très dur à supporter. Essaie de te dire que tu es étanche parce que ton honnêteté te rend imperméable à la vulgarité. Elle te glisse dessus, la vulgarité! Elle ne te pénètre pas, la vulgarité! Elle appartient à ceux qui s’en rendent coupables et ils ont bien tort d’en être fiers! Mets en toi le rejet absolu que mérite tout mélange de méchanceté et de bêtise. Ne réponds pas; ou si tu réponds, contrôle-toi. Et histoire de leur montrer que ta réserve n’est ni lâcheté ni manque d’intelligence, mets le paquet pour être remarquable en classe. Dans quelle matière tu es le plus fort?

— En français.

— Vous avez parfois à faire des exposés ou des textes sur un sujet libre?

— Oui, bien sûr.

— Et si tu en faisais un sur les erreurs historiques, reconnues comme telles, commises au nom de l’homophobie? Ou sur des personnalités célèbres qui ont été homosexuelles: des sages, des écrivains, des compositeurs, des guerriers,…

— Ah bon?

— Richard Coeur de Lion, Socrate, Shakespeare, Verlaine, Rimbaud, Kipling, Cocteau, Chopin et tant d’autres!

— Waouh! Je ne sais pas si j’aurai le courage de le faire, mais c’est tentant! Surtout, ça change mon regard sur ce que je vivais comme une insulte et qui n’en est pas une. Je vais pouvoir continuer à chercher sur moi sans avoir peur ni honte de ce que je peux découvrir parce que, homo ou herero, je serai quelqu’un de bien.

 

Entretien d’un jeune homme avec sa thérapeute

Extrait de Echo Magazine, Dominique Contardo


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