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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Les ados rêvent à leur petit nid


Lettre du mercredi 2 décembre 2015 - Source: Echo Magazine



Monsieur mettant les pieds sous la table après une journée de travail ou une répartition stricte ment équitable des tâches dans le couple? Une enquête se penche sur la famille rêvée des jeunes Suisses. Pour un garçon suisse sur trois, l’idéal c’est de travailler à plein temps avec une femme qui reste à la maison. Les filles ne sont que 15% à partager leur avis. Lisa, par exemple, est persuadée qu’il faudrait des cours d’économie familiale à l’école pour que les garçons apprennent à se sortir les mains des poches. Cette Vaudoise de 15 ans n’a pas l’intention de se charger de toutes les tâches ménagères quand elle sera en couple; elle rejoint en cela nombre de jeunes femmes qui ont répondu à la grande enquête de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse présentée le 10 novembre à Berne. Résultat de plus d’un an de travail, Ma Suisse et moi reflète la vision du monde de deux mille jeunes de 17 ans. Modèle familial, immigration, attentes face à l’école, l’étude se veut une photographie de la génération qui arrive à la majorité cette année. Explications avec Michelle Beyeler, l’une des trois auteures de l’enquête, chercheuse à la Haute école spécialisée bernoise.

Les filles se montrent plus progressistes que leurs parents, contrairement aux garçons. Comment expliquer cette différence?
Michelle Beyeler: – Peut-être parce que les ados ont sous les yeux l’exemple de leurs parents. Or en Suisse, les femmes en font généralement beaucoup plus que les hommes à la maison; les filles n’ont pas envie de se retrouver dans la même situation alors que les garçons trouvent cela plutôt sympathique.

Les jeunes ne sont-ils pas tous pour l’égalité hommes-femmes?
— Bien sûr ! Aucun jeune homme ne vous dira que les femmes ont moins de droits que lui. Mais un droit, ça reste théorique, cela n’enlève rien aux garçons. Par contre changer les comportements, avec deux parents qui travaillent à temps partiel et se répartissent les tâches ménagères par exemple, c’est plus compliqué et ce n’est pas forcément à leur avantage.

Filles et garçons ont des désirs assez différents. Faut-il s’attendre à des problèmes dans les couples de demain?
— N’oublions pas que les jeunes interrogés ont 17 ans: leur propre famille est encore une réalité lointaine pour eux! D’ici dix ans, leurs opinions auront peut-être évolué. Mais si les positions ne bougent pas, 11y aura des tensions… Il y en a déjà aujourd’hui d’ailleurs, car nous nous trouvons dans une période de transition. Le monde était plus simple avant. Pour nos mères, c’était facile de savoir où était leur place. Pour nous nettement moins.

Latins et Alémaniques ont des avis différents?
— Absolument. En Suisse romande, seuls 13% des jeunes (6% des filles et 21% des garçons) s’imaginent dans un couple où lui travaille et où elle reste à la maison pendant que les enfants sont petits. A l’opposé, le Tessin est le canton le plus conservateur: 28% des jeunes (22% des filles et 33% des garçons) se reconnaissent dans ce modèle. Peut-être parce que le Tessin est tourné vers l’Italie, catholique et culturellement plus traditionnelle, alors que la Suisse romande est tournée vers la France laïque. Quant à la Suisse alémanique, c’est là que les extrêmes sont les plus marqués. Un jeune sur quatre y cautionne la famille traditionnelle (18% des filles et 32% des garçons), mais on y trouve aussi plus de soutien au modèle où tous deux travaillent à temps partiel.

Les filles sont beaucoup plus favorables que les garçons à l’adoption par des couples homosexuels (80% contre 50%). Pourquoi sont-elles plus progressistes ?
— Les femmes sont généralement plus libérales sur les questions de société, quel que soit leur âge. Mais il y a peut-être une autre explication: dans une enquête menée en 2013 sur l’ensemble de la population suisse adulte, les hommes faisaient plus confiance à un couple de femmes qu’a un couple d’hommes pour élever un enfant. Les femmes n’avaient pas les mêmes réticences. Dans Ma Suisse et moi, la question portait simplement sur l’adoption par des couples homosexuels sans en préciser le sexe. Il est possible que les garçons aient pensé automatiquement «couples d’hommes».

Les femmes sont-elles aussi plus progressistes parce qu’elles ont longtemps dû se battre pour leurs droits?
— Je ne pense pas; à 17 ans, les filles de cette génération n’ont pas le sentiment d’être discriminées. Sur les 1990 jeunes que nous avons interrogés, seuls trois ont dit qu’ils avaient le sentiment d’être discriminés en raison de leur sexe, et je ne peux même pas vous dire si c’était des filles. Ce sentiment vient plus tard, quand elles entrent dans le monde du travail et qu’elles constatent les différences de salaires ou de possibilités d’avancement.

Seules 3% des filles souhaitent travailler à plein temps avec des enfants en bas âge. Pas vraiment ce dont rêvent les autorités, qui désirent les inciter à travailler plus après le vote du 9 février 2014 sur l’immigration…
— Si vous me demandez mon avis, je pense que personne ne veut confier son bébé de quelques mois toute la semaine à des professionnels. Il est bon que des crèches existent mais, homme ou femme, quand on a une famille, c’est trop de travailler 42 heures par semaine. il nous faudrait adopter le modèle français des 35 heures ou le modèle scandinave: là-bas, souvent tous deux travaillent, mais à 17h, ils sont disponibles pour les enfants.

Dans son ensemble, l’enquête révèle que les jeunes Suisses n’ont pas très envie de faire la révolution…
— C’est une conclusion très claire, en effet! Leurs opinions sont globalement en continuité avec celles de leurs parents et ils font confiance aux autorités. Les jeunes ne sont pas à gauche; mais ils ne sont pas particulièrement à droite non plus. Ce qui leur importe, c’est leur vie privée: leurs amis, leurs loisirs, leur famille. Ce ne sont pas pour autant d’affreux individualistes — la jeunesse des années 2000 était beaucoup plus carriériste et centrée sur la réussite personnelle —, mais l’engagement social, politique ou bénévole ne représente que 8% de leurs préoccupations en moyenne. C’est peut-être une réaction à la globalisation: les jeunes font leur petit nid dans un univers familier.

Propos recueillis par Christine Mo Costabella


Livre de la semaine


  • L’Enfant optimiste


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