Mémoires familiales
L’individu d’aujourd’hui apparaît comme happé par la fugacité de l’instant. Dans une société mondialisée, il est en quelque sorte entièrement livré à son angoisse, tandis qu’il voit s’écrouler autour de lui le cadre de référence qui permettait à ses parents de la surmonter, ou tout au moins de lui donner sens. Quels repères temporels donner dans ces conditions à nos enfants ? Je vous propose quelques éléments de réflexion:
- l’adolescence est par définition la période du non choix entre deux mondes. Or, de nos jours, l’état adolescent non seulement tend à se prolonger dans les faits mais il semble même constituer une sorte d’idéal régressif pour de nombreux adultes. Nombre d’entre eux, confrontés à l’adolescence de leur enfant, projettent en effet sur ces derniers leurs désirs adolescents inassouvis et vivent en quelque sorte par procuration une seconde adolescence, avec les dégâts que l’on imagine;
- depuis mai 68, la famille est de plus en plus vécue et pensée comme une réalité ne concernant que ceux qui la composent. Cette atomisation a aussi pour effet de fixer en quelque sorte ses membres dans le présent et l’immédiateté;
- or, si il est important de vivre dans le présent, il est tout aussi important, en termes notamment de structuration, d’avoir des liens avec le passé, celui de l’humanité et surtout le sien. C’est en effet en ayant conscience de nos origines et de ce que ceux qui nous ont précédés ont pu être, que nous parvenons à nous construire comme êtres autonomes;
- notre société individualiste, dans une hantise de la mort qui constitue aujourd’hui l’un de ses derniers tabous, a largement rejeté dans l’oubli le culte des ancêtres ou simplement le respect des disparus. Or, tout enfant, tout adolescent va ressentir un jour ou l’autre le besoin de retrouver les traces de ceux qui l’ont précédé et qui le constituent en termes génétiques. En ce sens, se souvenir équivaut à se construire;
- dans une société morcelée, livrée au présent dans l’angoisse de l’avenir, l’histoire individuelle et collective apparaît plus que jamais porteuse de sens. Elle permet en effet, paradoxalement, de cimenter un lien social d’appartenance entre des individus apparemment atomisés, en leur trouvant un passé commun; - on connaît l’emploi du génogramme (*) en thérapie familiale. Dans le même état d’esprit, l’engouement actuel pour la généalogie semble bien indiquer la nécessité de racines devant laquelle se trouvent beaucoup d’individus. Cette pratique permet en effet de remonter le temps familial et de plonger dans l’essence même de ce que nous sommes.
(*) génogramme : représentation graphique codifiée de l’arbre généalogique.
Envie de transmettre, de manier les mots et de se raconter, voici quelques lieux :
- La Compagnie des mots, ateliers d’écriture de textes, de chansons ou d’histoires de vie. 33, rue Vautier, Carouge, tél. 078 665 64 94.
- Université du 3e âge, plaisir d’écrire et de partage, tél. 022 379 70 42.
- Mouvement des aînés, tél. 022 329 83 84.
- Ecole des parents, atelier écriture-généalogie, transmettre l’histoire familiale pour construire des ponts entre générations.