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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Ah, les jours de fête dans la belle-famille!


Lettre du jeudi 21 décembre 2017 - Source: Echo Magazine



Marjorie, mère de deux enfants, voit toujours arriver les vacances d’été avec une certaine appréhension. Chaque année, elle retrouve la (nombreuse) famille de son mari en Bretagne, dans la maison de ses beaux-parents en bord de mer. Même quand le soleil est au rendez-vous, le climat n’est pas toujours au beau fixe. «Ma belle-mère est charmante, mais elle veut tout régenter et nous imposer son rythme. A 11h30, mes belles-sœurs commencent à râper les carottes et à mettre la table alors que nous sommes encore en pyjama! Te n’ai pas vraiment le sentiment d’être en vacances», confie-t-elle.

Les rapports avec les trois sœurs de son mari ne sont pas non plus évidents: «Elles sont chez elles, pas moi. Partager deux salles de bains et une seule machine à laver à quatre familles n’est pas toujours simple. En plus nos modèles d’éducation sont très différents. Gaëlle, par exemple, élève ses enfants dans une grande liberté: ses trois garçons disent des gros mots, jouent sur leurs tablettes autant qu’ils veulent et ne peuvent pas s’endormir sans avoir regardé un dessin animé!» Marjorie prend sur elle pour ne pas déclencher des disputes; quand la tension monte, elle va faire un tour à vélo avec son beau-père, avec qui elle s’entend à merveille.

L’humour du beau-frère
Les retrouvailles, en été ou à Noël, font resurgir des désaccords mis en veilleuse le reste du temps. «Quand la visite à la belle-famille devient une corvée, ce n’est bon pour personne. Pour garder de bonnes relations, il est nécessaire de faire des compromis, mais aussi de ne pas vivre cette cohabitation comme une obligation», con seille le psychiatre et psychanalyste Alberto Eiguer. Si on sait pertinemment que l’on ne supporte pas les réflexions acides de sa belle-mère ou l’humour douteux de son beau-frère plus de quatre ou cinq jours, mieux vaut s’en tenir à un court séjour plutôt que de risquer le conflit.

Toutes les belles-familles développent — ou pas — des affinités. Si certaines «tribus» sont accueillantes et considèrent d’emblée la «pièce rapportée» comme une «valeur ajoutée», d’autres sont plus fermées, constate Alberto Eiguer. Fières de leur lignée, de ce qu’elles représentent ou sont capables d’accomplir, elles considèrent le nouveau ou la nouvelle venue comme un intrus. Les premières rencontres s’apparentent alors à un examen de passage destiné à vérifier qu’il ou elle est à la hauteur.

«Il ne faut surtout pas considérer cette méfiance, voire cette hostilité latente, comme un affront, mais comprendre qu’il s’agit d’un processus naturel, parfois long, qui vise le plus souvent à intégrer la personne», assure Alberto Eiguer. Ce psychanalyste conseille, lorsque l’on se sent un peu rejeté par ses beaux-parents, de chercher des alliés parmi les belles-sœurs ou les beaux-frères.

Quitter la fusion
Même quand les parents sont bienveillants, il ne leur est pas toujours facile d’admettre que leur enfant a grandi et qu’il s’éloigne pour fonder son propre foyer. «Certains beaux-parents peuvent se sentir dépossédés de l’attachement de leur enfant. Le sentiment de perte est d’autant plus vif que la relation antérieure était fusionnelle», remarque Annick Eschermann, médiatrice intergénérationnelle à l’Ecole des grands-parents européens (EGPE).

Les beaux-parents cherchent parfois inconsciemment un double de leur enfant. Or le gendre ou la bru qui leur sont présentés ne correspondent pas toujours à l’image idéalisée qu’ils s’en faisaient. Les différences sociales, culturelles ou religieuses rendent parfois la situation délicate. Sans le dire explicitement, certains beaux-parents exigent du conjoint une forme d’abandon, voire de reniement de ses origines. «Il y a quelquefois de vrais chocs culturels et la peur de l’inconnu peut engendrer des réactions de rejet», déplore Annick Eschermann même si elle constate que les belles-mères actuelles qui ont, pour la plupart, travaillé et voyagé, sont bien plus ouvertes d’esprit que celles des générations précédentes. Beaucoup voient, par exemple, un enrichissement dans le fait d’avoir une belle-fille issue d’un autre pays.

La grand-mère rivale
Passé la période d’apprivoisement mutuel, l’arrivée des petits-enfants bouleverse à nouveau les relations intrafamiliales et impose quelques réajustements. Une rivalité peut notamment apparaître entre la belle-fille et la belle-mère. La première tient à s’affirmer en tant que bonne mère et tend à aller chercher des conseils auprès de sa propre mère. La seconde, reléguée au rang des seniors, peut se sentir mise sur la touche. «La nouvelle grand-mère doit savoir s’effacer et valoriser les jeunes parents. Car, à condition que la confiance soit présente, elle peut s’avérer précieuse par sa disponibilité et son savoir-faire», assure la psychologue Monique Desmedt, médiatrice à l’EGPE. Des désaccords peuvent surgir sur la façon de nourrir ou d’éduquer les enfants, mais tant que la priorité éducative est laissée aux parents, les difficultés sont vite balayées.

«Un couple doit s’autoriser à s’inventer en gardant le meilleur des deux traditions familiales», conclut le psychanalyste Patrick Avrane. «Les beaux-parents et les beaux-enfants ont le droit de ne pas avoir d’atomes crochus, mais chacun doit rester à sa place et respecter le point de vue de l’autre afin que les petits-enfants ne subissent pas les conflits des adultes.»

Pour aller plus loin:
L’étonnante histoire des belles-mères, Yannick Ripa (dir.), Belin, 2015, 225 pages. Cet ouvrage collectif propose un vaste tour d’horizon historique des belles-mères florentines de la Renaissance à celles du Japon aristocratique de l’an mille, des chansons populaires de la France du début du 20e siècle à la relation aimante, dans la Bible, entre Ruth et sa belle-mère Noémi.

Les Belles-Mères. Les beaux-pères, leurs brus et leurs gendres, Aldo Naouri, Odile Jacob, 2011, 310 pages.

Les grands-parents. Une affaire de famille, Patrick Avrane, PUF, 2017, 192 pages. Réflexions autour de cas cliniques rencontrés par le psychanalyste et de la culture populaire, de la série Downton Abbey à Victor Hugo

Cécile Jaurès/La Croix


Livre de la semaine


  • Tommy – La nuit de Noël


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