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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Faut-il laisser gagner les enfants aux jeux ?


Lettre du jeudi 12 octobre 2017 - Source: Echo Magazine



Puissance 4, Scrabble, Monopoly… pour éviter de voir ses enfants se mettre en boule au terme d’une partie, il est tentant de les laisser gagner. Est-ce la bonne stratégie? Entretien avec la pédopsychiatre Anne Sénéquier.

Laisser son enfant gagner, est-ce mal?
Anne Sénéquier: — Assez naturellement, les parents craignent que perdre une partie soit un traumatisme pour l’enfant qu’il n’ait plus confiance en lui et ne veuille plus jouer. Seulement, en le laissant gagner, c’est l’effet inverse qui est susceptible de se produire. L’enfant est subtil, c’est une véritable éponge émotionnelle. Le risque est qu’il comprenne que l’adulte le fait gagner. Sauf que l’enfant aime être fort, pas qu’on le laisse gagner. Donc si l’adulte ne joue pas franc jeu, il va perdre l’intérêt pour le jeu ou chercher à «challenger» quelqu’un d’autre. Et si l’enfant joue avec un parent qui le laisse systématiquement gagner, lorsqu’il jouera contre quelqu’un d’autre, la défaite n’en sera que plus dure.

Il vaut donc mieux laisser la partie se dérouler, et si l’enfant perd, relativiser?
— Tout à fait, mais en évitant de donner à la défaite un aspect dérisoire. On entend souvent: «Allez, ce n’est qu’un jeu!». Mais pour l’enfant, le jeu est l’apprentissage de la vie. Donc une telle injonction revient à minimiser ce qu’est la vie d’enfant. En réalité, le jeu est essentiel pour comprendre les règles: les règles sont ce qui rend le jeu possible. Par effet tache d’huile, l’enfant perçoit que cela est vrai aussi à la maison, à l’école, partout! Ainsi, on perd parfois car on ne suit pas les règles, ou tout simplement parce que cela fait partie de la vie. La déception de l’enfant est inévitable, mais le rôle du parent est de valoriser le plaisir du jeu. Il vaut mieux se focaliser sur le temps passé ensemble que sur l’issue de la partie.

Ne faut-il pas avant tout choisir un jeu adapté?
— En effet. La question de laisser gagner ou non ne se pose pas lorsque le jeu est bien choisi! Les premiers jeux de compétition adaptés aux enfants sont les jeux de hasard, comme le jeu des 7 familles. Statistiquement, l’enfant va gagner autant que l’adulte. Ici, l’idée n’est pas de l’écraser, mais de dire: «J’ai sûrement gagné car j’ai eu une bonne pioche, tu gagneras peut-être à la prochaine partie!». Par ailleurs, il existe aujourd’hui de nombreux jeux qui permettent à l’enfant de jouer avec d’autres enfants ou avec des adultes dans un esprit coopératif et non compétitif. Les joueurs jouent ensemble, pas l’un contre l’autre.

Par exemple, lorsque vous jouez aux cadavres exquis, il n’y a ni gagnant ni perdant. Les éditeurs de jeux se sont emparés de ce créneau. Il existe notamment, pour les plus petits, des jeux à partir de contes: les joueurs doivent s’allier contre un pirate, personnifié par le jeu. Cela fait comprendre à l’enfant que la coopération est une bonne chose. Quand il est tout petit, la notion de partage n’existe pas. Les jeunes enfants jouent souvent les uns à côté des autres et non pas ensemble. Jouer ensemble, cela aussi s’apprend!

Bérengère Margaritelli


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