Menu

Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

_homepage

La voix comme outil de communication et instrument d’individuation.


Lettre du mercredi 13 mai 2015 - Source: Baby Book



Nul besoin d’être médecin pour savoir que les mutations de la voix marquent une phase importante dans la transformation de l’enfant en adolescent. A cette période, filles et garçons sont soumis à une évolution physique, mentale et psychologique caractérisée notamment par la mue. De façon plus marquée chez les garçons, le développement du larynx entraîne une oscillation de la voix entre les graves et les aigus, avant que celle-ci ne finisse par se stabiliser. Mais au-delà, nous pouvons nous demander quel rôle joue la voix dans le développement des enfants, qu’il s’agisse de la leur ou de celle de leurs proches.

A sa naissance, un enfant ne possède pas encore une vision lui permettant de se repérer. Son premier contact avec le monde est de nature auditive. Or, autour de lui se succèdent des sons pouvant le rassurer ou, au contraire, le plonger dans l’inquiétude. Ainsi les sons violents, stridents, intrusifs ou émis trop fort (coups de klaxon, téléphone, musique etc.) feront-ils peur à l’enfant qui se mettra à crier tandis que la voix de la mère est une sonorité qui aura plutôt tendance à le rassurer. En effet, la voix de la mère sert de repère auditif au nourrisson. Elle est en quelque sorte le phare qui éclaire sa découverte progressive des objets et des êtres. Toutefois, le lien vocal qui relie l’enfant à sa mère n’est pas fait de mots mais plutôt de petits bruits, de babillements à l’effet amusant ou apaisant. En les émettant, la mère ne fait pas que tranquilliser son enfant. Elle lui montre qu’elle l’aime et lui fait comprendre que la voix peut se moduler pour exprimer des sentiments divers.

De fait, la voix de la mère est ce qui permet à l’enfant de conserver le sentiment de sécurité éprouvé lorsqu’il était dans le ventre de celle-ci. Habitué à cette voix qu’il aura perçue tout au long de la gestation, il la reconnaît alors même que ses yeux ne lui permettent pas de bien voir. Cette voix maternelle est aussi une musique qui, très vite, va lui permettre de comprendre certaines choses. Ainsi, le bébé va-t-il faire l’expérience qu’en poussant un cri, sa mère lui répond et accourt pour le bercer, lui donner à manger etc. En cela, la voix est le seul instrument permettant au nouveau-né d’appréhender le monde mais elle est également le seul outil de communication dont il dispose. D’ailleurs, les enfants ne tardent jamais à utiliser leur voix pour se faire entendre avant de chercher, lors d’une autre phase de leur développement, à se faire comprendre.

Mais pour que la voix de la mère apporte un sentiment de sécurité à l’enfant, encore faut-il que cette voix soit d’une nature calme et posée. Plus la voix maternelle sera un symbole d’harmonie face aux agressions incessantes que subit le nouveau-né (faim, soif, fatigue, etc.), plus le développement de celui-ci aura de chances de bien se passer. Il importe donc de prendre conscience de la puissance d’impact de l’outil dont nous disposons qu’est la voix. Et pour ce faire, rien de tel que d’apprendre à s’en servir, en consultant un orthophoniste ou en s’adonnant à des exercices vocaux dans le cadre de cours de chant ou de théâtre. C’est là un moyen intéressant et efficace d’apprendre à gérer sa voix.

Bien sûr, la question n’est pas de parler à son enfant sur le mode exclusif du chuchotement et d’éviter tout haussement de ton, surtout après une longue journée de travail, de travaux ménagers etc. Aucune femme ne peut toujours garder son calme et sa voix de fée bienveillante! Néanmoins nous n’insisterons jamais assez sur la nécessité de réfléchir sérieusement à la manière dont on communique “à” mais aussi “avec” son enfant. Le but étant de créer une communication positivement structurante.

Mais qu’en est-il de la voix du père? Le père joue également un rôle fondamental puisque c’est lui qui va faire accéder l’enfant au “langage pour tous”, autrement dit au langage de la société. Le père pose les lois fondamentales et sa voix servira de ligne directrice permettant à l’enfant de construire sa place dans le monde. Une ligne que l’enfant aura tendance à rejeter à l’adolescence avant d’y revenir à l’âge adulte. Mais pour cela, le père a besoin de la mère. Car c’est le discours que va tenir la mère au sujet du père qui va attribuer à ce dernier, sa fonction paternelle. Or, ce n’est que lorsque cette fonction aura été clairement reconnue que le discours du père sera pleinement intégré par l’enfant.

Au niveau de l’enfant, à présent, la voix est l’outil de communication lui permettant de marquer son existence. J’existe donc je crie! Plus tard, ” c’est dans une certaine dépossession de son cri que le bébé simultanément perd et trouve sa voix”, comme l’expliquait le professeur de psychologie Jean-Michel Vives lors du colloque s’étant déroulé à l’université de Lausanne/Musée de l’art brut, et ayant pour titre “Qu’est-ce que faire son temps pour une œuvre?” En effet, à ce stade, l’enfant apprend à parler et, petit à petit, à développer sa pensée, à raisonner. Après être entré dans le langage, il entre dans la communication. Si l’on se réfère aux travaux de Jean Piaget, célèbre psychologue suisse, il apparaît que chez l’enfant, les différentes phases de développement de l’intelligence correspondent à son adaptation progressive au milieu qui l’entoure (milieu familial, scolaire, urbain, social, économique etc.)

Cela signifie que l’enfant développe une logique qui se démarque de celle des adultes, en passant par plusieurs étapes, avant d’atteindre le mode de pensée propre aux adultes. Or, au niveau de sa communication aussi, l’enfant passe par différentes phases, changeant de voix et de langage jusqu’à trouver le sien propre. Généralement à la fin de son adolescence. C’est à ce moment-là que les idées se justifient, s’argumentent, se contestent et que l’enfant entre dans le domaine de la dialectique. Et comme par hasard, l’enseignement de la dialectique prend forme avec les cours de philosophies que suivent les jeunes en classe de terminale, soit à la fin de leur adolescence. En effet, à 17 ans environ, les dés sont lancés, la voix est formée, le corps aussi et c’est le moment où le jeune va devoir choisir… sa voie!

Ajoutons cependant que même une fois adulte, cette évolution se poursuit puisque notre voix change au fil du temps et que l’on ne parle pas de la même façon à 20, 40 ou 60 ans. Enfin, la question de la voix concerne aussi tout ce qui a trait aux jeux de voix dont le chant. Pourquoi les adolescents attachent-ils tant d’importance aux groupes musicaux? Ce n’est pas parce que la musique de ces derniers berce leurs premiers émois. C’est parce que, dans la chanson, la voix se fait jeu. On la travaille, on la module au point de se faire naître chez qui l’entend, des sensations parfois très fortes. En outre, la chanson est aussi le cadre dans lequel s’insèrent des visions de la vie en société, aussi belles ou aussi affligeantes soient-elles. Par la chanson, la voix prend une forme nouvelle. Elle devient outil de dénonciation, d’exaltation, de création. D’ailleurs, à l’adolescence, les jeunes aiment autant faire entendre leur voix que jouer avec cette dernière (en faisant des imitations, par exemple)

Pour résumer, si les bébés se font entendre par le cri, avec l’acquisition du langage, l’enfant en vient petit à petit à signifier sa pensée. A ce moment-là, comme l’indiquait le professeur Jean-Michel Vives, dans l’acte de parole “la voix en tant que telle disparaît derrière la signification”. De fait, lorsque l’enfant acquiert le langage et utilise sa voix pour signifier quelque chose, cette voix le “subjective”. Elle le démarque, l’identifie en tant que sujet. Mais elle caractérise également le message qu’il communique (puisqu’une même phrase prononcée différemment, pourra prendre des sens distincts). Par l’usage qu’il fait de sa voix, par les effets qu’il donne volontairement ou pas à celle-ci, le sujet se personnalise autant que par les mots qu’il prononce. Au point que, les yeux fermés, il est facile de reconnaître un proche, mais aussi un chanteur, un acteur, un animateur radio ou un présentateur de télévision, en ne se fiant qu’à sa voix.


Livre de la semaine


  • Carnet de bal


  • Comments are closed.

    Back to Top ↑