Une BD sensibilise à la maladie psychique d’un parent

Lettre du mercredi 29 janvier 2025 - Source: Tribune de Genève
Cette semaine nous reproduisons un article de Judith Monfrini publié le 9.3.24 sur la Tribune de Genève “Une BD sensibilise à la maladie psychique d’un parent”.
“Les psychologues du Bureau central d’aide sociale ont imaginé une bande dessinée pour favoriser le dialogue avec les jeunes dont les parents sont en souffrance psychique.
Lee s’inquiète pour sa mère atteinte d’une maladie psychique. «A-t-elle bien pris ses médicaments?» s’interroge l’adolescente, alors qu’elle l’entend pester contre des voisins soi-disant hostiles. Kate, elle, voit les rappels de paiement s’accumuler dans la boîte aux lettres de son père déprimé, en rupture sociale. Quant à Thomas, il hésite à rendre visite à son père hospitalisé pour une nouvelle tentative de suicide.
Ces trois histoires font partie des huit racontées par la bande dessinée «Mozaïk» dont le scénario a été imaginé par les psychologues du Biceps, un des services dédié aux jeunes du Bureau central d’aide sociale (BCAS) à Genève.
La BD, illustrée par la dessinatrice Rebecca Traunig, sert de point de départ à la discussion avec des adolescents confrontés aux problèmes psychiques de leurs parents, dans le cadre des consultations journalières du Biceps.
Favoriser l’identification
«Le thème du trouble psychique est souvent compliqué à aborder de front et nous cherchions un outil, un média qui nous permette d’en parler, pour faciliter la discussion et libérer la parole de l’enfant, explique Silvia Parraga, psychologue psychothérapeute au Biceps. Très peu de livres traitaient de cette problématique. On en trouvait en Belgique, au Canada, peu en France et pas en Suisse.»
Grâce à un don, un premier ouvrage a été réalisé par Le Biceps pour les enfants (Les mille et une familles) puis l’idée a germé d’en éditer un deuxième pour les adolescents et les jeunes adultes, sous forme de bande dessinée.
Les vignettes de la BD Mozaïk sont axées sur les émotions. «Chaque histoire décrit une émotion prédominante, reprend la psychologue. Elles se déroulent dans des contextes de vie variés qui correspondent à notre public cible: certains jeunes vivent avec leurs parents, d’autres dans une famille monoparentale, en foyer ou en famille d’accueil.» L’histoire n’est volontairement pas terminée pour laisser libre cours à l’imagination. «L’idée est de pouvoir construire une fin avec ces jeunes et de leur demander à laquelle ils s’identifient le plus.»
Le Biceps reçoit gratuitement dans sa consultation des jeunes âgés de 7 à 25 ans. Ils sont envoyés par le Service de protection des mineurs, par les conseillères sociales, les infirmières scolaires ou les foyers pour jeunes. L’enfant est vu une première fois avec son parent ou son référent puis seul ou en groupe.
Cette consultation spécifique a été créée en 2001, sous l’impulsion de deux femmes concernées par le problème de la maladie psychique d’un des parents. En s’intéressant au thème, elles se sont rendu compte que de nombreux enfants avaient un parent hospitalisé en psychiatrie mais qu’il n’y avait pas d’espace prévu pour en parler.
Oser en parler
Dans les consultations individuelles, le jeune a souvent de la peine à parler de son parent malade. Le Biceps lui propose donc de lire ce livre tiré d’histoires vraies. Les personnages de la BD permettent d’ouvrir la discussion, de lui demander ce qu’il ferait dans cette situation. Il se sent moins seul.
«Le thème du trouble psychique est très tabou, confirme Silvia Parraga. 85% des jeunes en consultation n’en ont jamais parlé avec personne, ils ont de la peine à mettre des mots sur les situations qu’ils vivent.» La honte, la culpabilité, la peur d’éventuelles conséquences pour la famille, les empêchent de s’ouvrir, selon la psychologue. Parfois, ils ne parviennent pas à mettre un mot sur la maladie, ni à voir que leurs parents souffrent d’un problème psychique.
La BD sert également d’outil d’information pour les professionnels. Plus de 500 exemplaires ont été offerts, depuis sa création en 2023. «Le but est de faire circuler l’ouvrage dans le réseau et à l’international, comme en France et en Belgique», conclut Sivia Parraga.