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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

« Dites, M’sieur, c’est quoi un politicien ? »


Lettre du mercredi 28 octobre 2015 - Source: Echo Magazine



«C‘est quoi exactement, le Conseil national?» Si vous n’êtes pas un mordu de politique, il y a de fortes chances que la réponse à cette question posée candidement par votre fille ou votre fils soit donnée dans la douleur. Le système politique suisse – avec ses chambres haute et basse, ses conseillers d’Etat qu’il ne faut pas confondre avec les conseillers aux États, ses apparentements de liste, et ses panachages – est complexe. Face à ces subtilités, plus d’un parent peine à s’y retrouver. Et on les comprend.

Convaincre vingt ados
Admettons un instant que ce n’est pas à votre enfant, mais à une vingtaine d’adolescents que vous devez expliquer ce qu’est le Conseil national, qui a le droit d’y siéger et pourquoi. Imaginez que vous devez les convaincre – ces jeunes qui voteront peut-être pour la première fois dans quatre ou cinq ans – de l’importance des élections pour le bon fonctionnement du pays. Pas évident! Et pourtant, c’est le défi que certains enseignants du cycle relèvent tous les quatre ans dans l’espoir de faire croitre un peu le taux de participation aux élections fédérales.

«C’est la première fois que j’aborde le sujet en classe, annonce le Valaisan Jeanloup Epiney, qui a accepté de nous accueillir à son cours «Histoire, géographie et citoyenneté». L’enseignant de 25 ans qui exerce depuis trois ans au centre scolaire des Liddes, à Sierre, est enthousiaste à l’idée d’initier ses protégés au fonctionnement de la démocratie suisse. «Quarante-cinq minutes, explique-t-il pendant que les élèves du cours précédent quittent la salle, c’est court et long à la fois. Court pour faire le tour des institutions politiques tout en abordant les élections. Et long parce que ce n’est pas forcément le sujet le plus accrocheur pour les jeunes», lâche Jeanloup, un brin stressé avant de pénétrer dans l’arène.

Le cours commence
8h45. D’une voix forte, l’enseignant invite les retardataires à s’asseoir. L’heure tourne et le cours débute par une question directe: «Kévin, les élections fédérales, c’est quoi pour toi?». Réponse: «C’est quelque chose que l’on doit voter.., à plusieurs.». Bon début. Qui encourage les autres. En dix minutes, une avalanche de mots en lien avec le sujet sort de la bouche des élèves. «Berne», dit Valentin qui «y est déjà allé», mais avoue n’avoir «pas visité le Palais fédéral»; «Les politiciens? Ben, c’est des gens qui parlent ensemble pour construire des choses», enchaîne un voisin; «Et si je vous donne le chiffre sept?», demande le maître avant que la réponse ne fuse deux bancs plus loin – «les conseillers fédéraux!».

La leçon a démarré sur les chapeaux de roues. Ça va trop vite pour le journaliste assis au fond de la salle, mais le rythme ne semble déranger personne d’autre. On s’arrête, heureusement, sur le droit de vote. Beson sait qu’il ne pourra pas participer au scrutin du 18 octobre puisqu’il n’est pas majeur. «Seuls les Suisses peuvent voter», ajoute une fille attentive. Après avoir expliqué que la nationalité s’acquiert soit par filiation, soit par mariage, soit par naturalisation, JeanIoup s’adresse à la classe: «Si vous aviez tous 18 ans ici, qui aurait le droit de vote?». En réponse, une moitié des 23 élèves lèvent la main.

Les vignes ou les villes
Étape suivante: les principaux partis politiques. «PLR! PDC! UDC1», lancent presque aussitôt plusieurs ados qui n’ont pas pu manquer les dizaines d’affiches qui tapissent les murs de la ville de Sierre depuis des jours. «Il y a aussi la gauche, non?», ajoute d’un air hésitant l’un des élèves. «C’est les socialistes», précise un voisin à qui on a soufflé la réponse.

Il est 9h passées et le professeur s’attaque au Conseil national et au Conseil des Etats. «Le National c’est le pays, le conseil des Etats, c’est les cantons», résume Mojtaba. Limpide. Mais ensuite, c’est la colle: la carte projetée sur le mur par «Monsieur Epiney» indique que le Valais, pourtant plus vaste en superficie que Zurich, n’a droit qu’à huit représentants. «Comment est-ce que vous expliquez ça?», demande l’enseignant en fixant son audience d’un air énigmatique. Silence dans la salle. Après quelques tentatives aussi créatives qu’infructueuses, Nora finit par trouver une piste: «C’est lié aux villes. Là où elles sont plus grandes ils ont droit à plus de représentants. En Valais, comme les vignes prennent de la place, on ne peut pas construire beaucoup de maisons pour la population».

Encouragé par le répondant de ses élèves, l’enseignant tente une autre devinette. «Cette année, le Valais a droit à huit représentants alors qu’aux dernières élections il en avait sept. Pour Berne, c’est l’inverse: ils n’ont droit qu’à 25 représentants alors qu’ils en avaient 26 il y a quatre ans. Comment est-ce possible?». «Peut-être que le représentant bernois a décidé d’aller vivre en Valais», lance un élève au hasard. Cette fois, Jeanloup Epiney donne la réponse: «C’est parce que la population a augmenté en Valais et diminué dans le canton de Berne».

Fermer les cinémas
Le cours touche à sa fin. Le bon moment pour revenir sur les droits fondamentaux dont jouit chaque citoyen: voter, se présenter et, s’il n’est pas d’accord… «Il peut faire une pétition!», coupe une fille en levant le bras. «Exact, reprend le professeur, comme c’est arrivé avec les cinémas de Sierre. Ceux qui refusaient leur fermeture ont récolté des signatures et sont parvenus à faire entendre leur voix. Avec le référendum, c’est le même principe.»

Difficile de dire ce qui restera dans les esprits après ce cours express. L’important est de susciter l’intérêt de ces jeunes pour la politique tout en introduisant quelques notions de base. En d’autres termes: préparer le terrain. «Si les gens ne votent pas, c’est parce qu’ils sont flemmards», affirme Ricardo en conclusion. Et qu’arriverait-il si tout le monde votait? «Le résultat serait peut-être totalement différent!», répond Jeanloup Epiney. Avant de terminer sur une phrase forte: «Participer, c’est très important: ne laissez jamais les autres décider pour vous».


Livre de la semaine


  • Titeuf: Bienvenu en adolescence


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