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Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, Commission cantonale de la famille

Parents, ils changent de regard sur la trisomie


Lettre du mercredi 16 septembre 2015 - Source: Echo Magazine



Le visage de Louise, une petite fille de 4 mois atteinte de trisomie 21, fait une irruption remarquée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Il a suffi de quelques mots de colère et d’une photo postée sur Facebook pour que l’indignation d’une mère touche le cœur de milliers d’internautes. «Louise, ma fille, quatre mois, deux bras, deux jambes et un chromosome en plus», commençait Caroline Boudet, une journaliste de 36 ans mère de deux enfants. «S’il vous plaît, interpellait-elle, quand vous rencontrez une Louise, ne demandez pas à sa mère: ‘Cela n’a pas été dépisté pendant la grossesse ?’. Ne dites pas: ‘Comme c’est une petite trisomique…’. Vous ne diriez pas: ‘Comme c’est une petite cancéreuse…’. Les mots importent, ils peuvent réconforter ou blesser», rappelait-elle sans se douter que son texte allait faire le tour du monde et être traduit en anglais, en allemand et en coréen! Fabien Toulmé non plus ne s’attendait pas au succès de son livre « Ce n’est pas tai que j’attendais », qui retrace la naissance et les premières années de sa fille Julia, elle aussi atteinte de trisomie. Parue fin 2014, sa bande dessinée en est déjà à son cinquième tirage (20’000 exemplaires vendus).

La crainte, puis l’amour
Cet ancien ingénieur de 35 ans y raconte son cheminement de père, le choc de l’annonce, la crainte du handicap, le désespoir qui peu à peu cède la place à l’amour de sa fille, 6 ans aujourd’hui. «Je n’ai pas publié cet album pour délivrer un message, mais parce que mon histoire avait quelque chose d’universel – devenir parent, la place de la différence,… – qui pouvait toucher le lecteur. Et j’ai été agréablement surpris par l’engouement suscité», confie Fabien Toulmé. Pour autant, ces parents ne sont pas dupes: le chemin vers un véritable accueil des enfants trisomiques est encore long. Au quotidien, ils sont témoins de la persistance des clichés. «Les gens ont une image archaïque de la trisomie, celle du simplet qui ne sait ni lire ni écrire, cantonné à des tâches répétitives», décrit Caroline Boudet tout en reconnaissant qu’elle-même avait beaucoup d’idées fausses. C’est aussi la force du livre de Fabien Toulmé: aborder sans détour le malaise que lui a inspiré son bébé les premiers jours. Au moment du diagnostic, «une avalanche de pensées et de sentiments désordonnés m’envahit: la peur et la méconnaissance de cette maladie, mon intolérance (…), ma nouvelle condition de père de handicapé, de ‘triso’», écrit l’auteur, dessinant son personnage emporté dans une cascade rouge sang.

Très maladroits
«La plupart des gens ne sont pas malveillants mais, ne sachant pas comment se comporter, ils peuvent être très maladroits», remarque Caroline, qui a encore en tête la phrase d’un soignant: «C’est votre enfant, malgré tout». Fabien, lui, se souvient de cette institutrice qui envoyait régulièrement Julia jouer dans une autre pièce pour ne pas gêner la classe. «Elle ne pensait pas à mal mais de fait, elle excluait ma fille», relève-t-il. La peur et l’ignorance, Emmanuel Laloux les a longtemps côtoyées. Depuis presque trente ans, ce cadre d’Arras ne cesse de forcer le destin pour que sa fille Eléonore trouve sa place et s’épanouisse. Aujourd’hui, la jeune femme travaille au service facturation d’une clinique et vit de manière autonome dans une résidence unique en son genre, l’îlot Bon-Secours, qui accueille des familles, des personnes âgées et des jeunes trisomiques.

«Le handicap mental a toujours fait peur, mais quand Eléonore est née, nous n’avions pas à nous justifier comme c’est le cas pour les jeunes parents, note Emmanuel Laloux, 62 ans. En cause, selon lui, le diagnostic prénatal, ciblé sur la recherche de la trisomie. Celui-ci est toujours plus performant. De plus, en Suisse, le test sanguin de dépistage non invasif est remboursé depuis le 15 juillet. «A un moment, je me suis demandé si j’allais devoir expliquer sans arrêt pourquoi ma fille existe», souffle Caroline, qui essaie d’être compréhensive, tout en revenant à l’essentiel: «Que fait-on pour les enfants qui sont là?». Un peu plus de 500 bébés porteurs du handicap naissent chaque année en France; en Suisse, il en naissait 89 en 2013.

Batailler pour tout
Le parcours d’Eléonore Laloux est une source d’espoir pour Caroline. «Aujourd’hui les personnes atteintes de trisomie peuvent travailler, conduire, vivre en couple», se réjouit la jeune mère tout en déplorant que cette marche vers l’autonomie repose encore largement sur les efforts des parents et des associations. «Il va falloir batailler pour tout», craint elle, tout en caressant le visage de Louise. Déjà, la rentrée 2015 s’annonce bien remplie: découverte de la crèche, séances de kinésithérapie, examens médicaux,… A l’aune de son expérience de juin, Caroline est bien décidée à témoigner sans relâche pour faire reculer l’ignorance. Fabien, lui, n’exclut pas d’écrire un jour la suite de l’histoire de Julia… «C’est par des initiatives tous azimuts que l’on fera avancer les choses», assure Emmanuel, le père d’Eléonore qui, en mai, a déposé à l’Elysée 21 propositions pour «valoriser les différences». Car au-delà de la trisomie, c’est aussi ce combat-là qui se joue.

Marine Lamoureux/La Croix


Livre de la semaine


  • Ce n’est pas toi que j’attendais


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